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viste de ne pas avoir fait pour son compte au moyen de l’analyse psychologique une critique de la connaissance, ils ne le troublent pas, car il ne se croit en aucune manière obligé pour admettre une vérité d’être en possession des autres vérités auxquelles elle peut se rattacher. La découverte du courant voltaïque a été éclaircie et complétée par ce que l’on a appris depuis sur la nature de l’électricité : dès le début cependant cette découverte était certaine autant que chose peut l’être, puisqu’elle était la constatation d’un fait. Dans les sciences de la nature, on n’attend pas que l’on ait scruté la valeur de la faculté de connaître pour proclamer les résultats des expériences ; dès l’abord ils sont acquis. Il en est de même dans les sciences psychologiques et morales ; le reproche élevé contre elles vaudrait contre des doctrines métaphysiques ; il n’atteint pas les vrais positivistes.

5° D’ailleurs le positiviste eût-il fait cette critique préalable de l’intelligence pour y trouver un critérium absolu, un principe ultime : il ne serait pas plus avancé. Il y a, il est vrai, des vérités que le positiviste accepte provisoirement et au préalable, notamment les postulats logiques, les idées qui servent d’instruments à la connaissance (idéalités instrumentales). Mais il les accepte comme le naturaliste et le physicien, comme le mathématicien lui-même acceptent des hypothèses, à titre de moyens commodes pour arriver à des constatations de fait, sans leur attribuer une valeur que seule peut leur conférer la vérification expérimentale. Toute activité doit s’exercer spontanément avant que l’analyse s’y applique, et ce n’est pas l’analyse qui leur confère l’efficacité. Quand même l’analyse ne devrait jamais en être faite, elles atteignent leur effet d’elles-mêmes directement. L’œil de l’ignorant voit aussi bien que l’œil du physiologiste qui sait comment l’œil fonctionne, et le premier n’est pas moins certain que le second de la bonne conformation de son organe en vue du service qu’il lui rend. Il leur suffit qu’en voyant ils se garantissent contre les chutes, comme en mangeant on se nourrit. De même, l’esprit trouve que, en se mouvant suivant ses impulsions spontanées, il rencontre de plus en plus de lumière et se sent de plus en plus d’accord avec la réalité ; cela lui suffit ; le contrôle qu’il exercerait sur ses opérations pourrait ajouter à leur rectitude, mais n’ajouterait rien à leur légitimité. Ce serait un grand dommage si nous ne pouvions nous reposer dans la certitude partielle qui naît de l’exercice spontané de nos facultés ; certains de vérités isolées ainsi obtenues, nous ne le serions jamais d’aucune. C’est une niaiserie de chercher la vérité absolue ; on ne peut se vanter de la tenir sans commettre un cercle vicieux ridicule. Qu’un métaphysicien vienne dire à un physicien que la vérité touchant la chute des corps ne sera certaine que quand le physicien aura trouvé une vérité absolue pour l’appuyer, le physicien sourira et continuera ses expériences. Autant peut en faire le positiviste touchant l’objet de ses études. Qu’est-ce que cette vérité absolue à laquelle les autres seraient suspendues ? une conception logique, une intuition rationnelle ?