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gazza n’accepte pas cette opinion que j’avais émise, à savoir que la douleur est le résultat de l’excitation forte d’un nerf sensitif. Il est certain que cette conclusion ne doit être adoptée que pour la douleur physique. La douleur morale, en effet, peut être provoquée par une excitation extrêmement faible et en apparence indifférente, de sorte que ma conclusion sur la cause de la douleur ne s’applique qu’à la douleur physique. En second lieu, il faut admettre qu’il y a certaines hyperesthésies, soit de la moelle, soit des centres nerveux, soit des nerfs conducteurs, qui transforment une excitation faible en excitation forte. Avec cette double réserve, je crois que M. Mantagazza acceptera cette proposition : que toute excitation très forte d’un nerf sensitif, l’organisme étant sain, produira de la douleur.

Dans la seconde partie de son livre, M. Mantegazza étudie les différentes variétés de douleurs, et il les classe ainsi :

Douleurs traumatiques. Exemple : une brûlure.

Douleurs spontanées, pathologiques. Ex. un rhumatisme, une névralgie.

Douleurs spécifiques des sens. Ex. le dégoût, un son discordant, une odeur fétide.

Douleurs spécifiques des forces végétatives. Ex. la soif, la faim, l’amour.

Douleurs du sentiment (tantôt égoïstes, tantôt rapportées à la douleur d’autrui). Douleurs intellectuelles.

Nous ne nous étendrons pas sur cette classification, évidemment artificielle, mais où se trouvent disséminées beaucoup de remarques utiles. La troisième partie est consacrée à l’expression de la douleur. Bell, Darwin, Gratiolet, Duchenne (de Boulogne), qui ont étudié cette importante question, nous ont fait connaître un certain nombre de faits, et M. Mantegazza y ajoute ceux que ses observations et ses expériences lui ont appris. Il est impossible d’en donner un résumé : on ne peut que conseiller de lire ces pages ingénieuses, où les chefs-d’œuvre de l’art ancien et moderne sont mis à profit avec sagacité pour l’étude des mouvements volontaires ou involontaires que provoque la douleur.

Charles Richet.

E. Last. Mehr licht ! die Hauptsaetze Kant’s und Schopenhauer’s in allgemein verstandlicher Darlegung. Exposé des propositions fondamentales de Kant et de Schopenhauer, 417 p. Berlin. Grieben. 3e éd.

Les grands métaphysiciens de l’Allemagne semblent des amoureux jaloux de leur pensée : ils vivent longtemps avec elle dans le silence et la solitude, et, s’ils se décident à la laisser enfin paraître au grand jour, on dirait que par une dernière inquiétude ils la voilent et la dissi-