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cile d’admettre qu’il n’en reste rien. — Sans insister, nous trouvons au moins dans la cellule nerveuse l’élément qui, d’un commun accord, reçoit, emmagasine et réagit. Or l’impression, une fois reçue, la marque d’une empreinte. Par là, « il se produit une aptitude et avec elle une différenciation de l’élément, quoique nous n’ayons aucune raison de croire qu’à l’origine cet élément différât des cellules nerveuses homologues. » (Maudsley, loc. cit., p. 252.) « Toute impression laisse une certaine trace ineffaçable, c’est-à-dire que, les molécules une fois arrangées autrement et forcées de vibrer d’une autre façon, ne se remettent plus exactement dans l’état primitif. Si j’effleure la surface d’une eau tranquille avec une plume, le liquide ne reprendra plus la forme qu’il avait auparavant ; il pourra de nouveau présenter une surface tranquille, mais des molécules auront changé de place, et un œil suffisamment pénétrant y découvrirait certainement l’événement du passage de la plume. Des molécules animales dérangées ont donc acquis par là un degré plus ou moins faible d’aptitude à subir ce dérangement. Sans doute, si cette même activité extérieure ne vient plus agir de nouveau sur ces mêmes molécules, elles tendront à reprendre leur mouvement naturel ; mais les choses se passeront tout autrement si elles subissent à plusieurs reprises cette même action. Dans ce cas, elles perdront peu à peu la faculté de revenir à leur mouvement naturel et s’identifieront de plus en plus avec celui qui leur est imprimé, au point qu’il leur deviendra naturel à ton tour et que plus tard elles obéiront à la moindre cause qui les mettra en branle[1]. »

Il est impossible de dire en quoi consiste cette modification. Ni le microscope ni les réactifs, ni l’histologie ni l’histochimie ne peuvent nous l’apprendre ; mais les faits et le raisonnement nous démontrent qu’elle a lieu.

La deuxième condition, qui consiste dans l’établissement d’associations stables entre divers groupes d’éléments nerveux, n’a pas jusqu’ici attiré l’attention. Je ne vois pas que les auteurs, même contemporains, en aient signalé l’importance. C’est cependant une conséquence nécessaire de leur thèse sur le siège de la mémoire.

Quelques-uns semblent admettre, au moins implicitement, qu’un souvenir, organique ou conscient, est imprimé dans une cellule unique qui, avec ses filets nerveux, aurait en quelque sorte le monopole de sa conservation et de sa reproduction. Je crois que ce qui a contribué à cette illusion, c’est l’artifice de langage qui nous fait considérer un mouvement, une perception, une idée, une image,

  1. Delbœuf, Théorie générale de la sensibilité, p. 60.