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visuelle, trait qui se combine, dans la perception esthétique concrète, avec d’autres éléments indirects ou associés. Outre l’action directe des causes environnantes et de l’expérience habituelle dans la production d’une préférence instinctive de l’œil pour certains genres d’activité, il y a une action indirecte de l’expérience qui fait qu’on attache à certains éléments et à certains arrangements de forme une valeur esthétique, par suite d’une association de sentiments et d’idées. Cet autre grand facteur de la forme visuelle a déjà été passablement étudié et ne réclame pas ici une grande place.

III. — Facteur associé.

Tant que les formes sont strictement non imitatives et qu’elles ne sont déterminées par aucun besoin de convenance en vue de quelque fin pratique reconnue, le facteur associé doit résider dans certaines qualités comparativement abstraites. Celles-ci, en général, sont résolubles en deux classes : les aspects esthétiques qui dépendent d’une association au toucher et au mouvement, et ceux qui impliquent une idée d’habileté humaine[1].

Si des expériences tactiles et musculaires (autres que celles des muscles oculaires) sont organiquement incorporées dans nos perceptions habituelles de la vue, nous devons être préparés à trouver que le côté agréable de la forme visuelle comprend des éléments tirés de cette région. À vrai dire, tous les traits estimés de la forme peuvent être considérés comme supposant de ces sentiments étrangers. L’importance supérieure des directions, verticale et horizontale, le caractère éminemment paisible de l’horizontale, et l’aspect ambitieux de la verticale, la nature voluptueuse de la courbe par opposition à la sévérité de la ligne droite, tout cela nous ramène à ces expériences plus profondes et plus complètes. La valeur même, pour l’œil, de la symétrie bilatérale peut bien devoir quelque chose à ce contraste rythmique bien marqué de la droite et de la gauche, que nous présentent les mouvements de l’organe tactile. De même, il est facile de voir que le charme si varié de la distance, le caractère doux et tendre de ce qui est lointain et fuyant, et l’aspect stimulant de ce qui est proche et saillant (caractères qui

  1. Une troisième classe de ces associations générales et abstraites pourrait être constituée par les aspects symboliques, ou les suggestions morales et religieuses de la forme (comme celles de rectitude morale, d’infini, etc.). Mais ces dernières sont trop vagues et trop incertaines pour avoir besoin d’être examinées ici.