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tous les axiomes ? Tout mode suppose une substance, tout effet une cause, tout moyen une fin. Ici encore, l’attribut n’est qu’une abstraction du sujet. Vous ne pouvez définir le mode que par la substance, la substance que par le mode ; qui dit effet dit cause, qui dit moyen dit fin ; autant de propositions tautologiques. Nous n’avons donc pas lieu d’être surpris que les axiomes soient, à priori, nécessaires, évidents par eux-mêmes, puisqu’ils ne sont que les applications plus ou moins déguisées du principe d’identité, que nul savant ne songe à nier.

Mais nous ne posons pas seulement des jugements universels et nécessaires, nous nous élevons aux idées du parfait et de l’infini : n’est-ce pas dire que par une grâce d’en haut nous nous dépassons nous-mêmes et tout ce qui est, que par une envolée mystérieuse nous pénétrons dans le monde des intelligibles pour nous reposer enfin dans la contemplation de l’absolu. M. Vacherot veut remplacer le mystère par la science, et pour cela, partant d’un principe accordé, créer les idées du parlait et de l’infini par l’analyse. Le point de départ est un fait. « Nulle réalité, pensée ou imaginée, n’épuise l’activité de ma pensée franchissant la série des temps, des espaces, des nombres, l’échelle des qualités, le système des relations, la succession des modes de l’existence. Cette nécessité logique est une loi positive de la pensée, loi universelle et constante, à laquelle obéit toujours et partout l’esprit humain. » De cette loi que le savant ne peut nier, parce qu’il la constate en lui-même, et de l’abstraction qu’il emploie sans cesse, nous allons voir sortir toutes les conceptions de la raison. L’étendue est infinie, voilà un jugement nécessaire, où entre l’idée d’infini : comment se forme-t-il ? Il ne s’agit pas ici de l’étendue concrète, il n’y a pas de corps qui ne soit limité. Mais prenez l’étendue abstraite, dont toutes les parties sont conçues comme parfaitement homogènes ; l’esprit, en vertu de sa loi, devra .toujours concevoir une autre étendue au delà de l’étendue limitée et circonscrite qui fait l’objet de sa représentation. « Vous voyez donc sortir tout naturellement la conception de l’infini d’une simple abstraction, c’est-à-dire de l’analyse. » Dans la catégorie de l’existence, tout être concret, individuel est contingent ; mais dépouillez l’être de toutes ses propriétés, de manière à le réduire à l.’abstraction vide de l’Être, en vertu de la loi de la raison, il devient nécessaire, infini, universel, absolu. Il est nécessaire, parce que la négation de l’être, le néant, est inintelligible ; il est infini, parce qu’au delà d’un être limité l’esprit est forcé de concevoir encore et toujours l’être ; il est universel, parce que l’être comme tel ne laisse rien en dehors de lui ; il est absolu, parce qu’il n’y a rien qu’il ne soit et dont il puisse dé-