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respondant à l’axe de la figure ; car, dans ce cas, l’égalité parfaite de deux parties opposées quelconques aura été estimée par une perception de la rétine, et l’intuition tout entière de la forme consistera alors en une série de perceptions simultanées.

Ayant ainsi déterminé les moyens qui sont à la disposition de l’œil pour apprécier les éléments et les rapports de forme, nous nous poserons naturellement la question suivante : Quels modes d’intuition esthétique, en d’autres termes quelles perceptions intellectuelles de rapports de forme, beaux et agréables, sont possibles à l’aide de ces moyens ? Heureusement, ce côté du sujet a déjà été assez complètement étudié ; et je pourrai passer rapidement là-dessus.

Je suppose ici, ce qui est admis par la plupart des auteurs, que la beauté de la forme, en tant qu’elle est indépendante du plaisir sensoriel d’un côté, et des plaisirs d’association et de suggestion de l’autre, peut se résoudre en la présence d’un certain ordre parmi des détails multiples, ordre qu’on désigne généralement par « unité dans la variété[1] ». Pour ce qui concerne, tout d’abord, la manière dont l’élément de variété et de contraste se présente dans la forme visible, un mot ou deux suffiront. La direction et la grandeur des lignes, le degré du changement de direction, soit qu’il dessine un angle, soit qu’il dessine une courbe, voilà des éléments dont chacun offre un champ à la perception des différences et des contrastes. Et chaque figure formée par un seul arrangement de lignes peut devenir à son tour, dans sa forme ou simplement dans sa grandeur, un élément de variété dans un plan plus vaste. La gradation, à la fois dans la simple direction et dans le changement de direction (par exemple lorsqu’on déploie graduellement une courbe), et aussi dans la grandeur des lignes et de la forme, semble jouer un rôle marquant dans les arts de la forme. Il n’est pas inutile de remarquer que ces éléments de variété peuvent être indéfiniment présents à l’esprit, comme dans la perception de tout rapport de distance et de direction entre des points qui ne sont pas réunis par des lignes. L’appréciation de la forme superficielle et solide, distinguée de la forme

  1. M. Gurney, dans un article qui inspire bien des réflexions sur les Rapports de la raison à la beauté, semble contester ceci quand il dit (Mind, XVI, p. 488) : « L’unité dans la variété est le trait caractéristique, ou plutôt la définition, de toute forme, et non pas spécialement de la belle forme. » Il n’y a cependant, je crois, aucune contradiction réelle entre nous. M. Gurney emploie le mot beauté dans un sens plus étroit que moi. Pour moi, toute forme est, en tant que forme, agréable ; et sa valeur esthétique, comme Fechner l’a si bien montré, croît, dans certaines limites, avec le nombre de points de diversité et d’unité distinctement perceptibles.