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gination motrice sera singulièrement agréable. Il comprendra une vague conscience d’une grande richesse d’expérience motrice et d’un vaste champ où choisir. On a dit que les possibilités de jouissance pour des possessions précieuses, comme la richesse et les amis, font souvent plus que le montant de jouissance actuelle que nous pourrons jamais en retirer. Cette remarque peut s’appliquer à cette revue que nous faisons des possibilités de mouvement agréable que chaque belle forme fournit à l’œil en repos.

Cette faculté de perception locale simultanée de l’œil semblerait, en ce sens, enrichir grandement sa jouissance de la forme. Notre appréciation d’une belle ligne comprend une transition d’un état de mouvement actuel, avec ses sentiments moteurs définis, à un état de repos actuel où. n’intervient que l’imagination du mouvement, et de sentiments de mouvement relativement indéfinis.

Pour vérifier ces déductions, il serait nécessaire de montrer que toutes les formes agréables, jusqu’à la plus belle, répondent bien à des mouvements oculaires agréables. En général, on trouvera qu’il en est ainsi. Une belle figure est une figure qui contient précisément les éléments de forme et les combinaisons de ces éléments, qui sont de nature à fournir à l’œil les variétés plus agréables d’expérience motrice dont nous avons déjà parlé. Le choix de lignes courbes, la préférence pour les lignes horizontales (qui semble se vérifier dans notre sentiment à l’égard de la symétrie bilatérale), le goût que nous avons pour les formes et les arrangements de contours continus, pour le groupement des parties autour d’un centre et pour la correspondance symétrique (lesquels ne répondent pas moins aux conditions naturelles de mouvement facile qu’à la disposition de la rétine elle-même), tout cela semble montrer combien la beauté de la forme dépend étroitement des lois du mouvement agréable.

En même temps, ce que nous appelons une belle forme est quelquefois prêt à sacrifier ce plaisir du mouvement, et cela pour produire un autre genre de jouissance, à savoir le plaisir intellectuel qui vient de la perception des rapports. Nous pouvons maintenant passer à ce nouveau facteur. J’ai déjà remarqué que l’œil en mouvement, capable d’expériences successives seulement, n’arriverait pas à une perception très complexe des relations des parties. La capacité montrée dans la distinction délicate des nuances de direction et de distance, et plus encore la coordination de détails multiples en une certaine unité, semblent liées, inséparablement, au fait de l’impression simultanée de la rétine. Un mot ou deux rendront peut-être ceci plus clair.