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d’une autre manière. Une succession de mouvements différents a un certain degré d’agrément, s’ils sont continus et exempts de saccades et de pauses soudaines. Ceci ne peut arriver que si le mouvement est continu dans le temps et, par suite, dans l’espace ; c’est-à-dire que le second mouvement doit être tel qu’il puisse être commencé dans cette même position de l’œil où le premier l’a laissé. Quand il n’en est point ainsi, il faut que l’œil exécute un saut vers le nouveau point de départ, ce qui compte comme un élément appréciable de violence et d’inégalité.

Il y a un plus haut degré de facilité quand les muscles, successivement employés, sont organiquement en rapport les uns avec les autres, soit par quelque disposition innée, soit par l’habitude. Ceci s’applique plus spécialement à l’action des muscles antagonistes. Un mouvement des yeux vers la gauche du champ visuel produit dans les antagonistes une tendance à les ramener en arrière. De là la disposition naturelle à tracer une ligne en avant et en arrière. Considérant la position primordiale comme la position naturelle, nous pouvons dire que tout mouvement de l’axe de la vision qui s’éloigne du centre du champ suscite une tendance à un mouvement correspondant de retour vers le point central de repos. Toute chaîne de mouvements visibles, comme ceux d’un ballet, et tout arrangement de lignes, flatteront l’œil en proportion du nombre de ces mouvements oscillatoires des muscles oculaires auxquels ils donnent lieu.

Nous ne ferons qu’un pas de plus en disant que la plénitude d’aisance dans le mouvement implique un ordre simple et rythmique dans les mouvements successifs. Les muscles de l’œil étant symétriquement formés, il en résulte que l’action de l’un quelconque sera compensée par l’action d’un autre, de même durée (la vitesse étant supposée rester la même). C’est ainsi qu’un certain degré de mesure rythmique ou régulière est rendu agréable par un arrangement organique inné, et indépendamment de toute perception consciente des rapports de temps.

Mais ici nous touchons à la limite de ce qu’on peut appeler le facteur organique du plaisir sensoriel dans le mouvement oculaire, et nous empiétons sur le plaisir proprement intellectuel des rapports perçus. La perception de la proportion serait certainement possible si les yeux étaient, comme nous l’avons supposé jusqu’ici, incapables d’impressions simultanées. L’œil qui se meut, comme le membre qui se meut, peut apprécier les rapports de durée et de distance, ou le rythme du temps et le rythme de l’espace, dans certaines limites. Pourtant, une telle coordination d’éléments successifs