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droites et en parcourant les contours des objets, l’œil a évidemment le choix parmi un nombre indéfini de vitesses de mouvement. Il est probable, pour la raison qui vient d’être donnée, que dans ces circonstances il préfère généralement un mouvement lent à un mouvement d’une rapidité fiévreuse[1].

Pour une raison analogue, les mouvements oculaires dont la direction répond à une action musculaire aisée et habituelle ont plutôt un caractère de plaisir que ceux qui touchent bientôt au seuil de la fatigue. Ainsi, en général, une ligne horizontale, en elle-même, en dehors de toute considération extérieure, procure plus de plaisir, parce qu’elle est plus calme qu’une verticale. Que le lecteur compare les sentiments qu’il éprouve en regardant un édifice, où la direction verticale prédomine, et les lignes sensiblement horizontales d’un paysage plat : une différence à peu près analogue existe entre les mouvements des deux yeux, où les deux axes sont convergents ou parallèles. Le délicieux repos produit par le lointain résulte en partie de cette forme comparativement relâchée d’activité musculaire.

Voilà pour le plaisir du mouvement oculaire simple. Voyons maintenant comment on se procurera une succession agréable de mouvements. Les conditions d’une succession agréable de mouvements semblent se réduire à la combinaison d’un élément de changement qui repose et stimule avec un élément de transition agréable et facile. Le changement de mouvement est naturellement nécessité par la condition générale de la vie mentale, et la variété est l’essence même de tout sentiment esthétique. D’autre part, une chaîne de mouvements variés peut être continue et agréable, ou saccadée et rude, et cette différence tient aux conditions mécaniques inhérentes au mouvement et aux effets de l’habitude.

Le changement de mouvement peut être produit très facilement par une variation ou de vitesse ou de direction[2]. Un seul et même mouvement peut varier en vitesse, par exemple lorsqu’on observe l’ascension ou la descente d’un projectile lancé verticalement. Et aussi des mouvements différents peuvent présenter une différence de vitesse, par exemple la suite d’un ballet. Des contrastes de ce genre répondent évidemment à la manière la plus favorable de dépenser l’énergie motrice. De même, notre mouvement peut être suivi d’un autre de direction différente, c’est-à-dire d’un mouvement qui exige l’action de nouveaux éléments musculaires, ou un

  1. Une certaine vitesse est néanmoins nécessitée par le besoin de construire visuellement les objets comme des touts.
  2. Il vaudra mieux parler plus tard du changement de durée et d’étendue du mouvement.