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périodiques. — La filosofia delle scuole italiane.

-même des sons distincts, articulés-, que l’analyse des sons par l’oreille se développe parallèlement avec la faculté de les produire, que la conscience nette de la personnalité, exprimée par le mot je, se montre environ vers le vingt-sixième mois. Tous ces faits semblent indiscutables. M. Ferria remarqué plusieurs choses que nous avons observées comme lui à plusieurs reprises : l’enfant dit non avant de dire oui, et se sert plus fréquemment des signes d’opposition et de refus que des signes d’assentiment. Il a la notion très nette, à partir du moment où il peut construire des phrases, des oppositions de ces phrases et des rapports conditionnels inverses : « Si je suis sage, j’aurai telle chose ; si je ne suis pas sage, je ne l’aurai pas. » Il répète indéfiniment en forme de jeu des phrases construites sur ce type, et trouve un plaisir évident à employer cet instrument de distinction complexe, récemment acquis par son intelligence ; enfin il a plus de peine à concevoir, les rapports de temps que les rapports d’espace ; il prend souvent hier pour demain, la semaine prochaine pour la semaine passée, bientôt pour récemment, etc.

Le point sur lequel la judicieuse analyse de l’auteur nous paraît le moins solide est la distinction qu’il tend à établir entre l’activité instinctive et l’activité expresse de l’intelligence, avec l’intention, ce semble, de montrer que le raisonnement véritable est propre à l’homme. Rappelant la célèbre étude de Darwin sur les débuts de l’intelligence enfantine, il reproche au naturaliste anglais d’enregistrer comme des faits de raisonnement les corrections successives par lesquelles l’enfant réussit à mettre le doigt qu’on lui tend dans sa bouche. « La doctrine de l’évolution, dit-il, dans son dessein d’expliquer tous les faits psychiques par l’expérience et l’hérédité, semble quelquefois oublier que l’expérience est de deux sortes, intuitive et réfléchie, immédiate et médiate, et que le raisonnement n’intervient que dans la seconde phase de l’expérience, avec les représentations générales et les concepts. » Il nous semble que l’acte le plus élémentaire de discernement et de classement, que l’adaptation la plus simple des mouvements aux représentations renferme en germe l’aptitude raisonnante ; bref, que l’activité essentielle de l’intelligence se trouve tout entière dans ses opérations les plus humbles. Les développements ultérieurs, dus à l’expérience qui s’étend et se diversifie, ne sont eux-mêmes que des extensions et des différenciations d’un même pouvoir. C’est ce que M. Ferri confirme lui-même indirectement quand il reconnaît avec Locke, d’après les observations qu’il a faites sur la petite Betty, qu’il y a réellement un mode de raisonnement humain fondé sur le particulier. Un enfant qui ne parle pas encore et commence à marcher a-t-il trébuché en passant du parquet sur un tapis ? un moment vient où il a l’idée de lever le pied à une hauteur suffisante pour franchir le bord du tapis sans accident. Il y a là un moyen terme intercalé entre le but conçu et le point de départ. L’opération ne diffère pas en nature de celle que fit ce jeune garçon qui perfectionna sans s’en douter la machine à vapeur,