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analyses. — j. denis. Histoire des théories morales.

suivant l’occasion nous accordons ou refusons un esprit aux groupes de phénomènes matériels que nous y localisons.

Quoi qu’il en soit, et en écartant de la théorie de Clifford des éléments qui peuvent aisément s’en distraire, une conclusion importante ressort de cette œuvre : l’école de l’évolution a abouti logiquement à une métaphysique idéaliste. Les historiens de la philosophie montrent volontiers les divergences des systèmes : à y regarder de près, on s’aperçoit que ces divergences diminuent de jour en jour. Sans se dissimuler tout ce qui sépare le dynamisme de Leibnitz du mécanisme de Clifford, on peut constater combien ils offrent de rapports. Pour Clifford comme pour Leibnitz, la loi de continuité est capitale ; le présent résume en lui tout le passé et il est plein de l’avenir. La matière est une pure représentation, un ensemble de phénomènes où nous voyons les rapports de l’univers réel réfléchis comme dans un miroir ; la seule vraie réalité, c’est la pensée, et cette pensée est soumise à un déterminisme rigoureux, condition nécessaire du progrès moral. Il est utile d’entrevoir ainsi une conciliation entre les écoles et de remarquer que pour le disciple de MM. Darvin et Spencer, comme pour Leibnitz, comme pour Kant, l’esprit est la chose en soi, le véritable absolu, tandis que la matière où se reflète notre activité est, suivant l’expression kantienne, le théâtre de la moralité.

A. Ephkaïm.

J. Denis. Histoire des théories et des idées morales dans l’antiquité. 2e  édition. 2 vol. in-8°, p. viii-423, 449. — Paris, Ernest Thorin, 1879.

Si cette deuxième édition d’un très bon livre différait de la première, nous aurions plaisir, en la signalant au public, à en rendre compte avec quelque développement. Mais c’est une réimpression pure et simple de l’ouvrage que connaissent depuis longtemps tous les lecteurs de cette Revue. L’épigraphe empruntée à Lucrèce : « Et quasi cursores, vitaï lampada tradunt, » a disparu ; peut-être aussi quelques mots ont-ils été corrigés çà et là, mais il n’a point été fait de cartons : pas un chapitre n’a été remanié ; pas une addition ni une suppression ne se remarque. Depuis 1856, l’auteur n’a eu rien à changer ni à sa pensée, ni à l’expression de sa pensée.

Faut-il l’en féliciter ou s’en plaindre ?

On aurait mauvaise grâce à le lui reprocher bien sévèrement, quand on avoue, comme nous venons de le faire, que l’ouvrage, tel quel, est fort bon. Beaucoup de science ; une connaissance solide de l’antiquité classique (de l’histoire générale et des mœurs, comme de la philosophie et des textes) ; une pensée nette et vigoureuse ; de la verve, de la chaleur, de la passion même ; un style clair et pur, parfois coloré et sou-