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boussinesq. — notions géométriques.

l’idée du cercle. Si, au contraire, l’on combinait au hasard des formes quelconques, comme elles se présentent, le résultat serait des plus indéterminés, et les moyennes obtenues, loin d’offrir le type de la plus absolue régularité, de l’ordre par excellence, seraient l’expression d’un chaos indescriptible. Donc, il est inévitable que l’activité propre de l’esprit intervienne, et à un haut degré, quand ce ne serait que pour opérer les classements variés d’images auxquels correspondraient les diverses conceptions géométriques.

De plus, et si l’on prend encore comme exemple le cercle, il faudrait, en thèse générale, pour arriver à sa notion exacte, que l’esprit l’eût précisément en vue dans le groupement d’images concrètes préalable, c’est-à-dire qu’il la choisit instinctivement comme type du groupe, comme terme idéal de comparaison : sans cela, les écarts qui distinguent du cercle les figures ainsi rapprochées et combinées ne se compenseraient pas avec l’exactitude requise. En effet, lorsqu’on vise un certain but, c’est, toutes choses égales d’ailleurs, autour du point visé que viennent se ranger les points effectivement atteints : par suite, ces derniers, supposés en très grand nombre, couvrent un espace dont le centre est naturellement le point visé lui-même. Si, au contraire, l’esprit, dépourvu de tout but précis, se contentait de grouper des images quasi-circulaires d’après une vague ressemblance reconnue entre elles, il y a l’infini à parier contre un que l’image résultante produite ne serait pas celle d’un cercle, mais une autre un peu différente ; car toute figure tient le milieu entre un grand nombre de figures qui lui ressemblent à peu près, vu qu’on peut passer, par dégradations insensibles, de toute forme donnée à une autre quelconque.

Il est vrai que le cercle, à raison même de son extrême simplicité, se trouve être une des figures autour desquelles oscille la forme de beaucoup d’objets, ou que la nature prend comme type dans un grand nombre de ses productions. Il y aurait donc plus de chance, pour lui, d’exprimer une moyenne de résultats concrets, que pour une infinité d’autres figures moins simples, parfaitement définies aussi en géométrie, telles que polygones, ellipses, etc. Mais il ne faut voir ici dans le cercle qu’un exemple destiné à fixer les idées, et ne lui appliquer nos raisonnements que dans la mesure où on pourrait les étendre à des figures quelconques.

Ainsi, l’idée du cercle devrait déjà se trouver implicitement dans l’intelligence, comme idée inspiratrice, pour qu’elle pût se dégager, par une espèce d’association ou de fusion naturelle, de résultats approchés, en grand nombre, que l’observation aurait fait connaître. Ceux-ci ne la révéleraient, ou mieux, ne la rendraient explicite,