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delbœuf. — le sommeil et les rêves

tudes, en tant qu’habitudes, font toujours partie du savoir actuel ; en repos comme en exercice, elles sont toujours au service du sujet ; bref, elles ne s’endorment pas[1]. J’ai ajouté « en tant qu’habitudes » parce que, généralement parlant — et c’est ce qu’il ne faut pas perdre de vue — l’exercice des habitudes, même très invétérées, nécessite cependant une certaine dépense de force qui explique comment il est perçu par l’attention.

Nos habitudes font ainsi partie de nous-mêmes, les plus récentes aussi bien que les plus anciennes. Elles nous accompagnent dans tous nos états. Que nous soyons éveillés, ou plongés dans la rêverie, ou sous l’empire du sommeil, elles s’entrelacent à toutes nos pensées et à tous nos gestes. En conséquence, dans tous nos sentiments comme dans toutes nos actions, il y a toujours quelque chose de fortuit et quelque chose de nécessaire. Le fortuit, c’est telle ou telle impression, venue du dehors, qui met en jeu notre sensibilité et notre activité ; le nécessaire, c’est la marche que suit cette impression dans l’organisme et l’excitation des habitudes qu’elle rencontre sur son chemin. Dans les boîtes à musique, le mécanicien a disposé en un certain ordre des pointes sur un cylindre. On pousse un bouton, la boîte joue une mélodie ; un autre bouton, elle en joue une autre. L’âme est cette boîte à musique ; nous l’avons dit précédemment ; c’est un cahier de feuilles phonographiques. Les agents extérieurs en tirent sans relâche tantôt des airs entiers, tantôt des fragments d’airs. Ces airs qu’elle chante, ce sont les habitudes qu’elle a prises. Enfin, les illusions elles-mêmes dont elle est si souvent la victime, que sont-elles, sinon les effets inévitables de ses habitudes ?

Les principes que nous venons d’exposer, vont nous servir à caractériser et à expliquer le rêve.

J. Delbœuf.
(À suivre.)
  1. Voir 2e partie, nov. 1879, p. 201.