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delbœuf. — le sommeil et les rêves

servation, et cela de deux façons. D’abord, ils donnent leurs avertissements en temps utile, c’est-à-dire avant que l’altération, survenue dans le milieu, envahisse tout l’organisme. De plus, grâce à eux, l’animal, que cette altération — agréable ou désagréable — invite à changer de place, finit par trouver dans quelle direction est le but de ses désirs. Ils sont donc pour lui des instruments momentanés d’expérience ou, plus exactement, d’exploration. C’est ainsi que, si vous êtes plongé dans un bain et que le robinet à eau chaude soit ouvert, la partie de votre corps la plus rapprochée du jet vous fait continuellement parvenir des indications précises que vous ne manquez pas de mettre à profit.

La remarque a été faite qu’il faut demeurer identique à soi-même pour juger que quelque chose change. On voit qu’elle est vraie, mais incomplète. Si l’animal ne changeait pas, il ne pourrait avoir la notion du changement. Mais, attendu que le changement en lui commence par être localisé, sa vie consiste dans une succession ininterrompue de jugements de comparaison ; chaque moment y est ainsi intimement relié à celui qui précède, et la formation incessante des organes adventices, associant incessamment les impressions présentes aux impressions passées, est, par cela même, la raison unique et suffisante de l’individualité psychique permanente des animaux, même les plus simples[1].


II. — L’organisme à organe permanent.


L’expérience que peut acquérir un animal, pourvu uniquement d’organes adventices, est toujours relative à sa situation présente ; du passé il ne peut tirer des leçons pour l’avenir. Les états successifs sont reliés en lui par continuité, mais non par pénétration. Chaque instant de son existence est relié directement à celui qui le précède immédiatement et non aux autres instants plus éloignés. On peut dire que pour lui le passé lointain n’existe plus.

Il n’en va pas de même si aux organes adventices, dont la formation incessante est entretenue par la seule nature des choses, vient s’adjoindre un organe permanent. Qu’est-ce qu’un organe permanent ? C’est tout endroit de la périphérie doué d’une sensibilité plus vive que les points qui l’avoisinent.

Comment se forme l’organe permanent ? Comme tout ce qui est

  1. M. Kleinenberg (professeur à Messine) a démontré que chez l’hydre d’eau douce les mêmes éléments cellulaires servent à la fois à la sensation, à la perception, à la volition et à l’excitation musculaire, et que chaque élément musculaire lui-même n’est qu’une partie de chacune de ces cellules. (Hydra, eine anatomisch-entwickelungsgeschichtliche Untersuchung., 1872.)