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fouillée. — vues synthétiques sur la sociologie.


VII


Synthèse de la sociologie et de la cosmologie.

Outre les conséquences morales et sociales, la nouvelle sociologie a aussi des conséquences métaphysiques ; la philosophie positive de l’histoire projette sa clarté sur la philosophie de l’univers. Toutefois, il n’y a plus place ici qu’à des inductions et à des conjectures. Indiquons les principales, concernant la nature, la fin, le principe, la formation et la loi générale du monde.

1° Puisque le monde est soumis à un déterminisme qui fait que chaque partie influe sur toutes et toutes sur chacune, cette universelle réciprocité d’action et de réaction le rend déjà semblable par nature à un vaste organisme. De plus, toutes les parties de l’univers étant animées de forces qui se traduisent par le mouvement, il est permis de conjecturer que ces forces, — qui n’ont, semble-t-il, qu’à se combiner en de certaines proportions pour produire la vie, la sensibilité, la pensée, — renferment toutes implicitement ce qu’elles manifestent explicitement grâce à un concours favorable de circonstances. Ainsi, dans un corps organisé, toute particule est apte à manifester la vie, la sensibilité, la pensée même, si elle arrive au cerveau et sert à en nourrir la substance. La vie et la sensation semblent à l’état latent en toute chose ; elles y dorment comme la lumière et la chaleur ; elles sont toujours prêtes à jaillir par les voies qui leur sont ouvertes, comme le feu central qui bouillonne sous la surface refroidie de la terre ne demande qu’a sortir par la bouche des volcans. Si donc au point de vue logique le monde est un déterminisme et au point de vue physique un mécanisme, tout porte à croire qu’il est physiologiquement un organisme et psychologiquement un ensemble de sensations, de pensées, de forces actives, entre lesquelles il y a échange et sympathie comme entre les cellules d’un être organisé. C’est là du moins, sur la nature de l’univers, l’hypothèse qui nous paraît la plus probable, car elle est tout ensemble la plus simple et la plus riche en conséquences.

2° Ce n’est pas assez d’appeler le monde un vaste organisme où tout conspire et sympathise, σύμπνοια πάντα ; on peut conjecturer encore, selon nous, que c’est un organisme social ou tendant à devenir social ; en d’autres termes, l’état social est la fin à laquelle semble tendre naturellement le monde, sans que cette fin lui soit imposée du dehors. Si l’organisme individuel est déjà un petit monde, la société est encore plus digne du nom de microcosme.