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fouillée. — vues synthétiques sur la sociologie.

lement la seconde à l’extrême, et vous avez le socialisme révolutionnaire. Nous ne dirons pas que la vérité est entre les deux, dans une sorte de médiocrité et d’équilibre, dans une sorte de centre gauche de la pensée ; nous ne dirons pas non plus qu’il y a un peu de vérité à prendre dans l’une et un peu à prendre dans l’autre, un éclectisme à réaliser avec l’aide du sens commun, c’est-à-dire avec l’aide du sens vulgaire, de la tradition et de la routine. Non, nous dirons que, dans leurs fondements positifs, les deux théories sont vraies l’une et l’autre, et aussi vraies l’une que l’autre ; que leurs erreurs viennent de fausses déductions ou de fausses interprétations ; que par conséquent la vérité totale est la synthèse scientifique de ces deux théories. Au lieu de choisir dans leur sein des fragments de vérité, il faut donc les unir intégralement par un moyen terme qui établisse de l’une à l’autre une parfaite continuité ou, mieux encore, une identité fondamentale[1]. Qu’on étudie la conception de l’organisme social, qui assimile la société à l’être vivant : on verra l’assimilation se soutenir dans la théorie et se vérifier dans la pratique ; on reconnaîtra que la société a effectivement ses organes vitaux et ses fonctions vitales, ses lois de corrélation entre les organes et les fonctions, sa naissance, sa vie, sa mort même, par conséquent son évolution organique et sa dissolution. On pourra même aller dans cette voie plus loin encore que les partisans autorisés de cette doctrine, tout en évitant les détails d’analogie et les subtilités de comparaison où se perd surtout l’esprit allemand, trop porté à prendre parfois des métaphores pour des formules scientifiques[2]. — D’autre part, la même analyse appliquée à la conception du contrat social fera reconnaître aussi la vérité de cette conception. Théoriquement, il est vrai de dire que la société humaine doit être contractuelle, car tout doit s’y faire autant qu’il est possible par voie de libre convention. Historiquement, il est incontestable que le régime contractuel tend à dominer de plus en plus dans les sociétés modernes : le droit attache une importance croissante à l’idée de contrat, qui finit par remplir les neuf dixièmes de nos codes et qui un jour y figurera depuis le premier article jusqu’au dernier ; l’économie politique, par la théorie des échanges et de l’association, repose tout entière sur cette même idée ; la politique enfin, par le suffrage universel, par le débat et le vote libre des constitutions, par la forme de plus en plus contractuelle que prennent les mandats politiques,

  1. C’est ce que nous avons essayé de faire : Revue des Deux-Mondes, tome XXIV, 1879, et la Science sociale contemporaine, livre II.
  2. Voir sur MM. Schœffle, de Lilierfield, Jœger, etc., la Science sociale contemporaine, livre II.