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soi-même, si l’on ne veut pas se les faire dire par d’autres d’une manière plus désagréable qu’on ne le désirerait. » Tout le monde eût été satisfait, et nous n’aurions rien à craindre en touchant un point aussi délicat.

Nous appellerons, si l’on veut, psychologie scientifique, celle qui se propose d’observer par la conscience les phénomènes de la pensée et de déterminer par l’induction les lois ou rapports nécessaires qui unissent ces phénomènes entre eux. C’est la psychologie dont Jouffroy a supérieurement décrit la méthode et que les travaux de Stuart Mill et d’Alexandre Bain ont définitivement fondée. Si M. Ribot n’avait pas de reconnaissance pour cette psychologie, il serait ingrat. Il lui doit en grande partie la notoriété dont il jouit aujourd’hui. Il en parle pourtant sans complaisance (p. xviii). Mais il est aisé de voir que c’est affaire de pure courtoisie dans un livre intitulé Psychologie allemande contemporaine. La psychologie anglaise a fait sur M. Ribot une impression trop vive pour qu’elle puisse jamais s’effacer.

À choses nouvelles il faut un nom nouveau. La nouvelle psychologie se nomme psychologie physiologique (p. xvii). Elle prétend avoir sur la psychologie anglaise une véritable supériorité ; celle-ci restait purement descriptive, celle-là est explicative avant tout. En quoi consiste cette méthode d’explication qu’on accuse Stuart Mill (p. xvii) de n’avoir pas assez employée ? Chacun connaît la méthode des physiologistes contemporains, de Claude Bernard par exemple : un phénomène physiologique est expliqué quand on a déterminé les phénomènes physico-chimiques qui sont les conditions nécessaires de sa production. Voici un fait, l’empoisonnement par l’oxyde de carbone ; Claude Bernard a montré que « l’oxyde de carbone, en déplaçant l’oxygène qu’il expulse du sang, reste fixé sur le globule du sang et ne peut plus être déplacé par l’oxygène ni par d’autres gaz. » (Int. à la mèd. exp., p. 282.) C’est ainsi que Claude Bernard a expliqué le phénomène. Telle est la méthode que les nouveaux psychologues veulent appliquer à la psychologie. Tout phénomène de pensée, disent-ils, a pour antécédent un groupe de phénomènes physiologiques. Déterminer ce groupe de phénomènes, c’est expliquer le phénomène physiologique qu’on étudie. Qu’une telle détermination soit une découverte de la plus haute valeur, c’est chose évidente ; que par suite la psychologie physiologique soit une partie essentielle de la psychologie, nous l’accordons très volontiers. Mais si l’on demande plus, si l’on veut que la psychologie physiologique soit toute la psychologie, nous n’y pouvons consentir. Nous avons lu, relu, annoté, médité avec toute l’attention dont nous sommes capables la Psychologie allemande ; nous n’avons rien trouvé qui renverse 1,’argumentation célèbre de Stuart Mill, qui restera comme la déclaration d’indépendance de la psychologie.

« Il reste incontestable qu’il y a entre les états de l’esprit des uniformités de succession et que ces uniformités peuvent être constatées par l’observation et par l’expérimentation. En outre, il n’a pas été jusqu’ici