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analyses. — h. girard. La philosophie scientifique.

idées en réelles[1] ou vraies lorsqu’elles correspondent à un objectif, et en imaginaires, dans le cas opposé. Ces dernières sont d’ailleurs ou fausses, s’il arrive qu’on les applique à un objectif, ou simplement imaginaires. En général, l’idée que nous avons d’un objet est en partie réelle, en partie imaginaire, c’est-à-dire, dès lors, en partie vraie, en partie fausse.

La philosophie scientifique consiste dans la synthèse, dans le groupement des connaissances qui constitue la science. Cette synthèse n’est pas une synthèse objective, qui consisterait dans la simple addition des éléments ; elle est subjective, en ce sens qu’il y a choix. Autrement, « un ensemble de connaissances étant donné, le génie humain s’en empare ; il abstrait, élimine, compare et classe, et de ce mélange de connaissances et de création intellectuelle jaillit la science. »

Tirons immédiatement de cette détermination une conclusion que nous professons pour notre part ; c’est que, s’il y a une philosophie d’une science, elle fait partie intégrante de cette science, qu’elle ne progresse qu’avec elle, et du fait môme des savants. Ceci bien posé, d’accord, je crois, avec M. Girard, je suis tout prêt à reconnaître avec lui que beaucoup trop de savants se bornent malheureusement à amasser des connaissances sans se préoccuper de les coordonner. « Par eux, sans doute, la science a progressé, mais elle a progressé comme la statue de bronze se perfectionne sous le burin du ciseleur. Celui-ci enlève les jets de coulée et les bavures ; il polit les plans et fait ressortir les menus détails ; mais il n’est pas l’artiste dont la pensée a conçu, dont la main a modelé, dont le génie a su faire vivre une idée puissante dans cette même matière dont le ciseleur, abandonné à sa propre inspiration, aurait peut-être fait un ustensile de cuisine. »

M. Girard aborde ensuite la classification générale des sciences, ou plutôt le groupement scientifique, comme il l’appelle, car il réserve le nom de classification scientifique (peut-être assez mal choisi) à cette opération procédant par abstraction, par généralisation et par comparaison, suivant laquelle on s’élève de la connaissance pure aux idées scientifiques (générales), aux principes et aux lois. Si cette opération n’est pas réglée par une loi générale que l’on puisse établir à priori, s’il faut étudier dans les diverses sciences les lois partielles qui la régissent, il n’en est pas de même pour le groupement. Celui-ci doit s’opérer, d’une part, d’après des caractères purement objectifs, de l’autre, non par la considération d’un but, mais par la fixation d’un objet.

« Considérant que, de l’ordre naturel des choses, il résulte une succession de faits ; considérant, d’autre part, que cet ordre naturel est constamment troublé par l’intervention de la volonté des êtres organisés en général, des hommes en particulier, et, plus particulièrement encore, des hommes réunis par le lien social, je suis amené à distinguer

  1. Dans ce sens, une propriété abstraite d’un objet est tout aussi réelle que cet objet.