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LE SOMNAMBULISME DE SOCRATE[1]


Tout ce qui concerne Socrate doit intéresser vivement les hommes de science. Or, certains phénomènes, présentés par ce grand homme, prouvent qu’il était sujet à des accès de somnambulisme. Exposons ces phénomènes. « Voici ce que fit et supporta cet homme courageux pendant le siège de Potidée. Un matin, on l’aperçut debout, méditant quelque chose. Ne trouvant pas ce qu’il cherchait, il ne s’en alla pas, mais il continua de réfléchir dans la même posture. Il était déjà midi : nos gens l’observaient et se disaient avec étonnement les uns aux autres que Socrate était là, rêvant depuis le matin. Enfin, vers le soir, les soldats ioniens, après avoir soupe, apportèrent leurs lits de campagne dans l’endroit où il se trouvait, afin de coucher au frais, car c’était en été, et d’observer en même temps s’il passerait la nuit dans la même attitude. En effet, il continua de se tenir debout jusqu’au lever du soleil. Alors, après avoir fait sa prière au soleil, il se retira. »

Ce passage, extrait du Banquet de Platon, a fait croire à ceux qui se sont occupés de ce fait et qui ont pris pour des réalités les suppositions émises par l’auteur de ce récit, que Socrate se trouvait dans une absorption mentale, dans une espèce d’extase intellectuelle, occupé à des recherches, qu’il se trouvait par conséquent dans un état normal. Or cette supposition est contraire aux lois naturelles. L’absorption mentale par des recherches intellectuelles ne pourrait jamais durer vingt-quatre heures. Ces recherches, exigeant une grande activité cérébrale, épuiseraient les forces du cerveau bien avant ce terme. La station debout dans la plus grande immobilité du tronc, des membres et de la figure, n’est pas possible non plus dans l’état normal, pendant un temps aussi long ; elle ne s’explique que par un certain degré de catalepsie. L’état dans lequel se trouvait Socrate n’était point une absorption intellectuelle semblable à celle où était Archimède quand il fut tué par un soldat romain ; car Socrate n’était pas un homme de science. Il ne se trouvait pas non plus dans une extase sentimentale, mystique. Socrate, esprit froid, n’était point dominé par ces sentiments qui absorbent tellement l’esprit, l’activité consciente du cerveau, que celle-ci s’isole du reste du système nerveux, d’où résulte l’extase. Les sentiments les plus pro-

  1. Extrait d’un ouvrage sous presse intitulé : Étude scientifique sur le somnambulisme.