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ANALYSES. — p. tannery. — thalès et ses emprunts a l’égypte.

et reposant sur l’abîme. Le firmament, « déployé au-dessus d’elle comme une tente », sur laquelle s’étend la riche broderie des constellations

Pareille à des clous d’or plantés dans un drap noir[1],

pivote perpétuellement sur une montagne située aux extrémités de la terre, par delà le fleuve Océan. Entre ciel et terre circulent au milieu des nuages, des vents, de la foudre, de la pluie, les sept planètes, sortes de grands animaux doués de vie : Samas (le soleil), Sin (la lune), Adar-Samdan (Saturne), Mardouk (Jupiter), Nergal (Mars), Istar (Vénus), Nabou (Mercure)[2].

Dans cette cosmologie, à côté de traits communs aux croyances primitives des Hellènes, on en trouve d’autres qu’Anaximène semble avoir empruntés plus tard ; mais rien ne ressemble à la conception que nous attribuons à Thalès, rien ne ressemble à la cosmologie égyptienne, qui est en fait très inférieure, car la conception chaldéenne distingue nettement le mouvement diurne de la sphère céleste et les mouvements propres des planètes.

Nous nous croyons donc autorisés à maintenir nos conclusions, en ce qui concerne les connaissances astronomiques et les notions cosmologiques de Thalès.

V

Nous pouvons désormais nous borner à dire quelques mots au sujet de la dernière opinion du Milésien, qu’Édouard Zeller regarde comme authentique : à savoir que « tout est plein de dieux », suivant le mot que rapporte Aristote, ou, d’après la formule que donne Diogène Laërce, « que le monde est animé et plein de divinités ». Le sens véritable de cette expression est déterminé par le fait que Thalès attribuait une âme vivante non seulement aux plantes, mais encore à l’ambre et à l’aimant, pour expliquer les phénomènes de l’attraction exercée par ces corps.

Cette conception de la force motrice n’a nullement le cachet d’une origine particulière ; on la retrouve partout, et les sauvages n’en ont pas d’antre. C’est qu’elle est naturelle à l’homme, et quand nous en sourions, nous ne réfléchissons guère qu’au fond nous n’en sommes vraiment pas débarrassés, et qu’elle se trouve, masquée, il est vrai,

  1. Sully-Prudhomme.
  2. Maspéro, p. 142 et suiv.