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tout lieu de croire, au contraire, que la théorie de la similitude n’est pas antérieure à Eudoxe de Cnide (ive siècle). Le récit de Plutarque est forgé sur l’assertion d’un disciple d’Aristote, Hiéronyme de Rhodes, d’après lequel Thalès aurait mesuré les pyramides en observant le moment de la journée où l’étendue horizontale de l’ombre est égale à la hauteur verticale de l’objet. Il y a loin de cette observation physique, que pratiquaient sans doute les arpenteurs égyptiens, à une théorie qui suppose celle des propositions.

Ces deux exemples montrent quel danger on court quand on veut attribuer aux anciens, fût-ce en mathématiques, « soit les principes de leurs conséquences, soit les conséquences de leurs principes. » Il convient donc, surtout ici, de s’en tenir à la lettre des renseignements qui proviennent d’Eudème de Rhodes, disciple d’Aristote et premier historien des mathématiques[1].

Les propositions qu’il attribue à Thalès sont au nombre de quatre :

1° Le diamètre d’un cercle le divise en deux parties égales.

2° Les angles à la base d’un triangle isoscèle sont égaux.

3° Les angles opposés par le sommet que forment deux droites qui se coupent sont égaux.

4° Un triangle est déterminé par un côté et les deux angles adjacents.

Or Eudème n’indique nullement que Thalès ait démontré ces propositions ; il semble même dire le contraire pour deux d’entre elles, la première, qui a été négligée par Euclide, et la troisième, dont celui-ci aurait, le premier, donné une démonstration.

Lorsqu’il remonte au delà d’Hippocrate de Chios, qui, un siècle après Thaïes, composa les premiers Éléments, l’historien semble reconnaître le besoin de citer des sources. S’il parle d’Anaxagore e d’Œnopide, dont il pouvait cependant posséder des écrits mathématiques, il se réfère au dialogue des Rivaux de Platon. Pour Mamercus d’Himère[2], il s’appuie sur l’autorité du sophiste Hippias. Mais, en ce qui concerne Thalès, il nous laisse aux conjectures, ce qui semble bien indiquer qu’il n’y a pas eu de transmission historique de renseignements sur ses travaux de géométrie.

Il est clair cependant qu’Eudème s’est efforcé d’apporter le plus de précision possible dans la question des origines de cette science ; ainsi il a soin de remarquer que Thaïes devait, comme les anciens,

  1. Procli Diadochi in primum Euclidis Elementorum librum commentarii (éd. Friedlein ; Teubner, Leipzig, 1873), p. 65, 157, 250, 299, 352.
  2. La leçon du nom est douteuse. Ce Sicilien était frère du poète Stésichore l’ancien et, par suite, contemporain de Thalès, dont Bretschneider le fait assez gratuitement l’élève.