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v. brochard. — de la loi de similarité

Il ne reste plus qu’à dire que la ressemblance entre les idées qu’il s’agit d’associer existe virtuellement par rapport à tous les esprits ou à un esprit quelconque. Mais si elle n’est que virtuelle, comment peut-elle exercer une action quelconque sur une idée virtuelle aussi, puisqu’il s’agit de la faire passer à l’acte ? Gomment ce qui n’est pas encore pensé peut-il faire en sorte que nous pensions à une chose que nous avons cessé de penser ? De quelque côté que l’on se tourne, il faut ou renoncer à se faire une idée des associations par similarité, ou recourir à des formules mythologiques, comme celles dont nous nous sommes servi nous-même tout à l’heure. Mais les formules mythologiques sont vides de sens, et il faut les bannir de la science.

On demandera peut-être pourquoi la même question ne serait pas posée à propos des rapports de contiguïté : pas plus que la ressemblance, la contiguïté n’est représentée dans l’esprit au moment où une première idée apparaît ; elle ne peut pas non plus être conçue comme existant objectivement en dehors de toute pensée, ou comme exerçant une action, quoique virtuelle. Mais au moins les associations par contiguïté, si elles sont rationnellement inexplicables, présentent cette différence qu’elles sont une application particulière d’une loi plus générale, la loi de l’habitude. L’esprit en effet se borne à accomplir les mêmes actes qu’il a déjà accomplis, sans les modifier et sans y rien ajouter. Que cette loi même de l’habitude soit en dernière analyse inexplicable, c’est ce qu’il serait difficile de ne pas accorder : on doit l’accepter à titre de fait. Il faudrait accepter de même, sans la comprendre, la loi de similarité, si elle s’imposait de la même manière : mais on conviendra qu’il vaut mieux faire autrement, si on le peut. Or on le peut.

Considérons d’abord le cas où des idées, qui paraissent associées par similarité, sont des concepts. La ressemblance alors ne peut être que partielle. Car deux idées qui seraient entièrement semblables ne seraient qu’une seule idée. Par exemple, le papier blanc qui fait penser à la neige ne lui est semblable que par la couleur et en diffère par toutes les autres qualités. Au lieu de comparer entre elles deux idées prises en bloc, nous comparons deux parties que l’attention détache pour un moment du tout où elles sont comprises : nous pensons, comme dit Stuart Mill[1], « par parties de concepts. » Que se passe-t-il alors dans l’esprit ? Au moment où il éprouve la sensation de blanc, si cette sensation a quelque intensité, si pour cette raison ou pour une autre elle s’isole du groupe

  1. Philos, de Hamilton, ch. XVII, p. 383, trad. Cazelles.