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les temps modernes, le mysticisme philosophique. C’est contre lui-même, contre ses propres tendances, qu’il réagissait en réagissant contre Berkeley ; il combattait en lui comme un ennemi intime, et de cet évêque, innocent, pour une grande part, des erreurs qu’il lui reprochait faute de le bien connaître, il s’était fait, si nous pouvons employer cette expression familière, comme une bête noire, et ne voulait pas en entendre parler, de peur peut-être de se laisser séduire.

Ces considérations font la nouveauté de la brochure dont nous parlons. L’auteur a d’ailleurs très bien montré les points communs de la doctrine de Berkeley et de celle de Kant. Il a aussi mis en relief les différences profondes qui séparent les deux systèmes et qui assurent aux œuvres de Kant, au point de vue de la philosophie scientifique et progressiste, une supériorité incontestable. Mais il insiste avec raison sur la mauvaise fortune de l’évêque de Cloyne, dont les spéculations méritaient d’être mieux comprises dès l’origine, de n’être pas confondues surtout avec les rêveries d’un Swedenborg. Cependant ses compatriotes eux-mêmes ne les ont appréciées à leur juste valeur que de nos jours seulement.

A. Penjon.

Sylvio Romero. — A Philosophia no Brasil. In-12. Porto, Alegre. 1878.

Cet essai de critique a pour but de donner aux Brésiliens une idée exacte du peu qu’ils ont fait en matière de science et de philosophie, et de les exciter à faire plus et mieux dans un avenir prochain. Science et philosophie, pendant les trois premiers siècles de son existence, furent totalement étrangères au Brésil. Les immortelles discussions des penseurs européens ne lui envoyèrent pas même un écho. Pendant ces trois siècles, pas un seul livre consacré aux investigations philosophiques ; ce n’est même que dans la seconde moitié de notre siècle « que la chose devient une modeste réalité ».

Dans un pays où l’esprit public, l’esprit scientifique, les traditions n’existent pas, la lecture d’un écrivain étranger, la préférence accordée à un livre français, anglais ou allemand, décident des opinions d’un auteur. Ici les compilateurs sont les vrais novateurs, et l’originalité consiste à avoir la main heureuse dans ses emprunts. Mont’Alverne, auteur d’un Compendio de Philosophia, passe de Condillac à M. Cousin ; Eduardo França, auteur d’Investigaçb’es de Psycologia, brûle Destutt de Tracy pour adorer Maine de Biran ; Domingos deMagalhâes, dans ses Factos do Espirito humano, nous montre un spiritualiste catholique dont toute la hardiesse se borne à rééditer en style déclamatoire la force vitale et la vision en Dieu ; Patricio Muniz, dans sa Theoria de Affirmaçào pura, n’est qu’un théologien scolaslique, mais qui a lu Kant, un néo-catholique dans le goût de Rosmini et de Donoso Cortez ; Soriano de Souza, une sorte de Veuillot sans style, a compilé saint Thomas et nous fait admirer dans ses Leções de philosophia elementar des aper-