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analyses. — b. saint-hilaire. De la Métaphysique.

« C’est depuis l’apparition delà Critique que ces fléaux (l’athéisme, l’incrédulité et le scepticisme) se sont déchaînés sur le monde, avec le panthéisme, inconséquent dans Schelling, d’une hardiesse sans bornes dans Hegel… Ces démences d’une spéculation sacrilège autant qu’immodeste ont amené un chaos de systèmes qui ne devait finir que par un scepticisme général et par le mépris de toute philosophie. » Kant a fait tout le mal, en voulant le prévenir. Il a « précipité l’explosion de cet effroyable orage », qu’il aurait dû conjurer.

« La conclusion qui ressort de cette rapide revue de l’histoire de la philosophie, c’est qu’Aristote doit être rangé parmi les plus grands métaphysiciens de tous les siècles. » Cette première démonstration faite, M. Barthélémy Saint-Hilaire en entreprend une seconde du même genre : il s’agit d’établir, après la supériorité d’Aristote, l’excellence de la métaphysique en elle-même. En présence des attaques de la théologie et de la science, il est bon, même par ce temps de libre examen, de redire ses droits.

Suivant une opinion de Pythagore, rapportée par Jamblique et « si vraisemblable qu’on peut penser qu’elle est vraie », la vie humaine peut être comparée aux fêtes solennelles de la Grèce. Le philosophe est ce spectateur curieux qui s’y rend pour admirer le spectacle : la philosophie est la « spéculation en grand » ayant pour objet, comme l’a si bien vu Aristote, la totalité des êtres. « Certainement ce que nous apprennent les sciences analytiques est très curieux, souvent très utile. Le philosophe le conteste moins que personne. » Mais n’est-il pas mille fois plus intéressant de rechercher les causes premières de tant de phénomènes admirables, d’étudier l’homme et ses moyens de connaître ? Le monde, dans sa cause divine, l’homme, la méthode, tel est le triple objet de la philosophie.

Longtemps la religion a persécuté la philosophie, « Si les Césars, tant accusés, livraient les chrétiens aux bêtes du cirque, l’Église livrait aux flammes les hérétiques et les libres penseurs. Les vindictes de l’orthodoxie avaient peut-être même quelque chose de plus blâmable… Cette ardeur de persécution témoigne du moins dans quelle estime jalouse la société chrétienne a tenu les problèmes que la philosophie première étudie comme la religion. » Actuellement, l’Église voudrait seulement se réserver le champ des vérités qu’on nomme surnaturelles. La philosophie repousse à bon droit cette distinction de deux sortes de vérités. « À l’injonction hautaine qui exigeait une abdication, elle a répondu comme ce philosophe ancien qui, pour démontrer le mouvement, se mettait à marcher devant ses contradicteurs. »

La science décrète contre la métaphysique « une sorte d’incompétence et d’anathème du même genre », alléguant que les grands problèmes dont elle s’occupe sont insolubles, par suite inutiles à étudier. Même sur la question de la méthode, la science reste, comme la foule, indifférente ; « mais elle est en désaccord avec l’humanité tout entière, quand elle étend cette indifférence jusqu’à l’âme et jusqu’à Dieu. » Les