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diction est le Je pense, donc je suis d’Aristote. » C’est l’aliquid inconcussum que cherchait notre Descartes. « Moins psychologique que l’axiome cartésien, il n’est ni moins clair, ni moins solide », et, s’il est dans la philosophie moderne à peu près oublié, « pour Aristote au contraire c’est le plus fécond de tous les principes, en même temps qu’il en est le plus élevé. »

Après ce résumé des grandes réfutations péripatéticiennes, M. Barthélémy Saint-Hilaire aborde deux théories capitales, qui, dit-il, y tiennent de très près, celle de la substance et celle des quatre causes.

Au lieu de rétablir, comme il s’en flattait, la notion de substance contre les sophistes, en mettant dans les choses un élément stable et éternel, les idées, Platon, au dire d’Aristote, l’a complètement détruite. L’auteur de la Métaphysique pense n’avoir devant lui que des ruines, et prétend restaurer l’édifice, Il n’y aurait pas réussi, dans la Métaphysique au moins ; mais M. Barthélémy Saint-Hilaire emprunte aux Catégories une théorie de la substance qu’on peut, dit-il, qualifier d’admirable, « une de ces théories profondes et sagaces qui sont l’honneur de la philosophie ancienne. »

La substance n’est l’attribut de rien ; elle n’a pas de contraire ; elle n’est susceptible ni de plus ni de moins. Ces trois caractères la distinguent de l’accident. Elle est en soi et pour soi ; elle, est par elle seule, indépendante ; sans avoir de contraire, elle peut recevoir les contraires, mais tour à tour. En elle-même, en tant que substance, elle ne change pas ; elle ne peut être tantôt plus, tantôt moins ; elle subsiste immuable, sous les changements. Ses attributs seuls peuvent changer, n’étant que des accidents ; elle demeure. La substance est la première des classes d’êtres, des catégories ; pour avoir telle qualité, pour être dans tel temps, dans tel lieu, il faut nécessairement être d’abord, et c’est cette existence nue qui constitue la substance. On doit distinguer la substance réelle et la substance possible, l’acte et la puissance. Celle-ci peut indifféremment être ou n’être pas. C’est le non-être des sophistes, qui n’est pas un pur néant, mais une possibilité.

« Les siècles, dit M. Barthélémy Saint-Hilaire, n’ont rien ajouté et ils n’ajouteront rien à ces analyses ; ce sont des vérités que rien ne peut altérer et qui vivront à jamais dans les annales de la pensée. Toutefois on peut trouver qu’elles sont plus logiques que métaphysiques, et même qu’elles sont grammaticales autant que logiques. On peut trouver encore qu’elles ne donnent pas sur la substance tout ce que demande la philosophie première. Mais, dans les limites où ces analyses se renferment, elles sont achevées, et si évidemment exactes que le temps les a respectées et qu’il les respectera toujours. »

La théorie des quatre causes, d’après M. Barthélémy Saint-Hilaire, mérite les mêmes éloges, avec les mêmes réserves. Entre toutes, elle est, dit-il, celle qu’Aristote revendique pour lui avec le plus d’insistance et même avec le plus d’amour-propre.