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analyses. — b. saint-hilaire. De la Métaphysique.

tégés contre les périls et les chutes où s’exposent quelques autres par leurs éclats et leurs conceptions gigantesques. « La clarté, qui est la première qualité de notre esprit national et que nous avons reçue de l’antiquité, » nous préserve de ces écarts extrêmes, et « le frein du bon sens, auquel il est chez nous bien difficile de se soustraire, » continuera, selon toute apparence, à nous empêcher de passer la mesure. M. Barthélémy Saint-Hilaire, on le voit, a bonne opinion de la France, comme de Descartes, d’Aristote et de la métaphysique.

Son livre a un double objet et comprend deux parties.

Dans la première, l’auteur se propose de « rendre une fois de plus justice au philosophe grec » en énumérant ses titres, qui le rangent parmi les plus grands métaphysiciens de tous les temps. « … Sûreté de méthode, simplicité de doctrine, vérité et profondeur, il se place au niveau des plus illustres ; il est tout près de Descartes, le père de la métaphysique moderne. » Pour le démontrer, l’auteur énumère les problèmes qu’Aristote a posés et traités ; ces problèmes sont éternels ; l’intérêt qui s’y attache n’est pas moindre aujourd’hui qu’autrefois, et, si nous dédaignons les solutions que les anciens en ont données, on pourra bien plus tard nous rendre la pareille et dédaigner les nôtres. « Dans toute l’histoire de la philosophie, personne ne s’est rencontré qui ait su montrer avec plus de netteté son point de départ dans toutes les sciences secondaires, et son but, qui est de sonder, autant qu’il est possible à notre faiblesse, les secrets de la cause universelle et de la pensée divine. » Que peut-on demander de plus, et, quand on croit à la pensée humaine, que peut-on demander de moins ? « La métaphysique eût évité bien des faux pas et se fût rendue plus respectable auprès de la foule, si elle avait toujours eu la prudence du philosophe grec. »

Cependant M. Barthélémy Saint-Hilaire se déclare pour Platon dans la polémique qu’Aristote dirige contre son système. Il n’est pas vrai, comme celui-ci l’a cru, que Platon sépare les idées des choses sensibles. Elles sont au-dessus de ces choses, non en dehors. On pourrait le prouver dialogues en main. Il est faux également que l’auteur du Timée, pour qui la matière est sinon antérieure aux idées, du moins contemporaine, ait fait de ces idées la matière des choses. Enfin c’est à tort qu’Aristote ne veut pas qu’elles puissent être des causes, ni en tant que matière, ni en tant que fins, ni en tant qu’essences. Au moins autant qu’elles, son Dieu est séparé du monde ; pourquoi ne seraient-elles pas aussi bien que lui des causes finales et des causes de mouvement ?


« Après ce long, mais respectueux dissentiment avec Aristote, on est heureux, dit l’auteur, d’avoir à le louer sans réserve. Sa réfutation du scepticisme et son exposé du principe de contradiction sont des chefs-d’œuvre. » Par ces deux théories, il conjure le danger de « ce suicide intérieur qui consiste à douter de tout ». Il le conjure en lui opposant le principe de contradiction, qui « rétablit inébranlablement tout ce que le scepticisme tendait à renverser. Le principe de contra-