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g. séailles. — philosophes contemporains

fait, dans l’inquiétude du cœur auquel le mal des autres ne permet pas la joie égoïste et tranquille, un pressentiment et comme une prophétie des destinées universelles ?

Ainsi, préoccupé de la science positive, M. Vacherot expose une première philosophie qui doit sortir tout entière de l’analyse et de l’abstraction et consiste à dégager l’intelligible de la réalité. Mais cette logique abstraite ne lui suffit pas à expliquer le mouvement et la vie ; arrivé à l’étude de ce qui est, il retrouve par la réflexion les idées de cause et de fin, et il esquisse un panthéisme spiritualiste que noua avons dégagé de sa cosmologie. Ces deux philosophies ne seraient pas inconciliables : la philosophie de la réflexion achèverait la philosophie de l’abstraction en cherchant dans la nature des causes la raison des rapports intelligibles des effets ; elle la justifierait même, en montrant dans l’esprit qui est tout ce qui est, le principe de l’universelle logique que constate l’expérience et que dégage l’analyse. Mais M. Vacherot ne peut se résoudre à aucun sacrifice ; il rêve une philosophie définitive, qui satisfasse les savants, les métaphysiciens et les moralistes ; arrivé en face de l’homme, il oublie son panthéisme, et par une nouvelle contradiction il affirme avec l’individualité le libre arbitre. Il affirme le libre arbitre après avoir écrit : « L’Universel est l’unité non pas collective, mais réelle ; tout est Dieu en tant que tout réside dans l’unité organique de Dieu. » Il se contente de dire qu’il y a là un mystère, et un mystère redoutable, mais qui est la loi même de la vie et qu’il faut accepter comme un fait nécessaire et primitif. » Cette affirmation catégorique et arbitraire achève de caractériser son esprit. Il semble que ses idées, après avoir longtemps lutté, se soient arrêtées par lassitude et aient fait trêve en gardant leur position de combat. 11 donne satisfaction à tous les systèmes tour à tour, il ne les concilie pas ; il n’a pas le courage des sacrifices nécessaires ; au dernier moment, il se sent pris d’indécision, et il juxtapose des idées qui se détruisent. Aux empiriques, il accorde l’abstraction, l’analyse, l’expérience ; aux idéalistes, le monde intelligible dégagé du monde réel, la supériorité de l’idée sur le fait ; à Kant, l’action de l’esprit dans la connaissance ; à Hegel, l’unité de l’Être universel, l’identité du réel et de l’intelligible, la théorie du progrès indéfini ; aux spiritualistes, la cause efficiente et la cause finale, l’effort de l’activité vers la perfection ; à ses anciens maîtres de l’école éclectique, l’individualité et le libre arbitre.

M. Vacherot a voulu concilier dans un système compréhensif tous les principes des systèmes antérieurs et imposer la paix aux philosophes par une méthode rigoureusement scientifique qui ne permette plus la résistance. La métaphysique, solidaire de la science, partici-