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espinas. — le sens de la couleur


V


Ainsi se trouverait rompue la chaîne de faits par laquelle le sens humain de la couleur est rattaché au même sens dans l’animalité. Il est évident que dans l’hypothèse évolutionniste l’organe visuel de l’homme n’est que le dernier stade, d’un développement antérieur ; mais, si les critiques que nous venons d’adresser à la théorie de M. Allen sont justes, ce n’est pas au régime alimentaire de ses ancêtres arboricoles que l’homme primitif aurait dû ses préférences pour les couleurs voyantes. Ces préférences s’expliqueraient, dans l’homme comme dans les autres animaux, par l’attrait que la lumière totale et ses composants doués de la plus haute intensité lumineuse exercent nécessairement sur l’organe de la vision, lequel a été spécialement adapté à la perception et au discernement des rayons lumineux. Le goût des enfants et des sauvages pour les couleurs voyantes ne requiert pas d’autre explication, et c’est précisément pour cette raison qu’ils aiment par-dessus tout, comme l’a remarqué M. Grant Allen, les objets colorés susceptibles d’un beau poli, comme les métaux et les pierres précieuses, ou naturellement lisses et miroitants, comme les coquilles et les plumes d’oiseaux. De là le goût pour les pierres vertes, dont sa théorie en effet ne donne pas la raison, mais qui résulte du plaisir attaché à la stimulation normale de l’organe visuel en présence d’une couleur franche. L’œil aime toutes les couleurs et non les seules couleurs des fruits et des fleurs ; seulement il en est dont l’intensité supérieure le fatigue et qu’il aime voir par petites masses, tandis que les autres, comme le vert des feuillages, le bleu du ciel, le violet des tons crépusculaires, moins intenses, le reposent et lui procurent d’autant plus de charme qu’elles sont étendues sur de plus larges surfaces. Même le bleu, le vert et le violet, lorsque ces couleurs sont claires, c’est-à-dire plus lumineuses, ne sont tolérés dans les décorations et les toilettes qu’à condition d’y occuper une place restreinte. À plus forte raison le vermillon et l’orangé. Dans le cas contraire, l’impression produite dépasse la. stimulation normale, et c’est la seule cause de notre déplaisir. Bref, l’agrément de la couleur et celui de l’éclat sont connexes (nous n’avons que deux mots qui puissent remplacer le terme coloré : ce sont brillant et éclatant) ; mais il faut que l’éclat de la couleur soit modéré pour rester agréable, car toutes nos sensations s’échelonnent entre des limites au delà et en deçà desquelles elles cessent de nous agréer.

Nous ne prétendons pas que les proportions diverses suivant