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espinas. — le sens de la couleur

où son action est le plus apparente. Il semble difficile de repousser l’idée de causes générales exerçant leur action sur tous les êtres organisés, végétaux comme animaux, et qui seraient de même sorte au fond que les causes qui produisent la couleur dans le monde inorganique. Il appartiendrait à la chimie de dire le dernier mot dans la question de la couleur. Le thème fondamental serait partout fourni par un mécanisme physico-chimique, et les actions biologiques et psychologiques ces dernières surtout ne seraient appelées à expliquer que les variations ultérieures.

Il est certain qu’à mesure qu’on se rapproche des ordres supérieurs parmi les insectes la couleur paraît à la fois plus intense et répandue sur de plus grandes surfaces. Les insectes primitifs, contemporains des jours ténébreux de la période carbonifère, sont ternes. Mais n’est-ce pas un effet naturel de l’évolution, que toute variation, pourvu qu’elle ne soit pas dangereuse, va s’accentuant à mesure qu’elle dure davantage ? Lacordaire a remarqué que dans leur habitat propre les insectes sont plus colorés que partout ailleurs. C’est là que les variations chromatiques remontent à un temps plus éloigné. M. Wallace[1] pense, et cette hypothèse est très vraisemblable, que l’extension et la ténuité des expansions membraneuses favorisent au plus haut point la production de la couleur. Rien d’étonnant que les papillons, adaptés comme les oiseaux à la vie aérienne, offrent par la grandeur et l’amincissement de leurs ailes des facilités exceptionnelles à son développement.

Mais il n’est pas vrai que les autres insectes ne soient pas colorés, à moins d’avoir le même régime que les papillons. Certaines mouches qui ne se nourrissent pas sur les fleurs ont de très beaux reflets d’or ou d’acier bruni. Quelques punaises montrent d’assez riches couleurs. Beaucoup de coléoptères carnassiers ont une brillante parure, en harmonie avec la nature de leurs téguments. Les cicindèles et les carabes nous en offrent les exemples les plus familiers. Tout le monde connaît la cicindèle verte aux cinq points blancs, le carabe doré, le Carabus monilis d’un vert cuivreux ou violacé, le purpurascens à la robe sombre brodée de belles nuances violettes et purpurines. « Le midi de la France, les Pyrénées présentent aux amateurs des carabes dont les teintes métalliques rivalisent d’éclat avec les plumes à reflets étincelants des paradisiers et des oiseaux-mouches : ainsi les Carabus auro nitens, splendens et rutilans, ces derniers propres aux Pyrénées. » Le Calosome sycophante, autre espèce chasseresse, est également renommé pour sa beauté. Il semblerait, d’après la ma-

  1. Tropical Nature, p. 198.