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espinas. — le sens de la couleur

fonction, la lumière condition de son activité, et ensuite qu’il aime les couleurs en raison de leur intensité lumineuse, on a épuisé les ressources de la science positive. Pourquoi parmi les rayons solaires l’œil n’en perçoit-il qu’un certain nombre ? qu’est-ce qui confère à ceux-ci leur qualité de rayons lumineux, tandis que les autres ou sont perçus comme rayons caloriques, ou ne sont pas perçus du tout ? Ce sont des problèmes insolubles et peu intéressants. Il n’est pas besoin d’une longue expérience philosophique pour savoir que les qualités sous lesquelles la matière nous apparaît, objectivement explicables en ternies de mouvement, ne sont susceptibles d’aucune analyse comme éléments de pensée. Il en est de même du plaisir attaché à leur perception. Le plaisir qui accompagne une sensation n’a pas besoin d’être expliqué par le plaisir qui en accompagne une autre : toute sensation générique est agréable par elle-même, en tant que fonction vitale ; elle l’est seulement plu*s ou moins, selon le degré de stimulation qu’elle apporte à l’organisme, et cette différence d’intensité se retrouve également dans ses divers modes.

M. Allen ne nie pas ces propositions ; mais sa théorie tend à les méconnaître. De deux choses l’une, en effet : ou les animaux aiment les couleurs par elles-mêmes, comme objets du sens visuel, et alors la théorie est inutile ; ou bien les animaux n’ont acquis le goût de la couleur que pour l’avoir recherchée sur leurs aliments, et aucun plaisir propre n’est attaché à cette perception : elle n’est plus qu’un auxiliaire de la fonction de nutrition. Et qu’on ne dise pas qu’il s’agit du simple développement, de la spécialisation d’un goût primitif ; des déclarations expresses nous interdisent cette solution moyenne, à laquelle nous accéderions si volontiers. Nous lisons dans le résumé final ces phrases significatives : « Les fleurs produisent le sens de la couleur chez les insectes. Le sens de lu couleur produit le goût de la couleur… Les fruits produisent le goût de la couleur chez les oiseaux et les mammifères. » De telles formules ne laissent place à aucune restriction.


IV


Mais quittons ces considérations générales, et abordons l’étude des faits sur lesquels la théorie s’appuie le plus directement. Est-il vrai que les insectes qui vivent sur les fleurs soient en général les plus brillants ? en est-il de même des oiseaux et des mammifères qui se nourrissent de fruits ?

M. Allen avoue que c’est la partie de son ouvrage sur laquelle il s’attend à recevoir le plus de critiques, bien que ce soit celle à