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delbœuf. — le sommeil et les rêves

à chaque instant, et les forces vont se modifiant sans cesse et passant de l’état libre à l’état fixe.

Ce serait ici le lieu de scruter dans toute sa profondeur le caractère de cette métamorphose, et de se demander : Qu’est-ce qu’une force libre ? Qu’est-ce qu’une force fixe ? Mais je réserve cette question pour un autre travail. Mon sujet m’invite seulement à mettre en évidence le principe nouveau de la fixation de la force.


Un point nous intéresse directement : Gomment s’opère le passage de la liberté à la fixité ? Quelle est l’origine de la force et quelle en est la fin ?

Si tous les atomes de l’univers étaient au repos absolu, il va de soi qu’il n’y aurait pas lieu de parler de force. Il en serait de même au fond si, dans leurs mouvements, ils ne se contrariaient en aucune façon, ou bien encore, comme on l’a déjà dit, s’ils étaient constitués par des substances parfaitement élastiques. Dans tous ces cas, il n’y aurait pas de forces transformables, susceptibles de passer de l’état libre à l’état fixe. Partout régnerait un équilibre statique ou dynamique inaltérable.

Tout déploiement de force suppose une rupture d’équilibre, et les mouvements qui en sont la suite ont pour but de ramener un nouvel état d’équilibre. Il est facile de se rendre compte de ce que c’est qu’une rupture d’équilibre. Supposez un bassin contenant de l’eau, et un tube ouvert à ses deux extrémités, dont la partie inférieure plonge dans cette eau. On sait que le liquide montera dans le tube à la hauteur où il est dans le bassin. Mais si, par l’orifice émergeant du tube, vous aspirez ou vous soufflez, vous romprez cette situation, et le liquide montera ou descendra jusqu’à ce qu’un autre état s’établisse. Le souffle ou l’aspiration a provoqué une rupture d’équilibre qui a mis l’eau en mouvement ; et ce mouvement avait une fin, la reconstitution d’un nouvel équilibre.

De même, si l’on met une barre de métal en contact avec un corps plus chaud qu’elle, on troublera l’équilibre dans la distribution du calorique de cette barre ; elle s’échauffera progressivement dans toutes ses parties, et réchauffement ne s’arrêtera que lorsque chacune d’elles aura atteint une température particulière et constante.

Quelquefois le mouvement a pour but de ramener l’état premier. Si une corde tendue est écartée de sa position de repos, l’équilibre de ses molécules est rompu ; mais elle cherchera à y revenir, et elle y parviendra après une série plus ou moins longue d’oscillations. D’après ce qui a été dit plus haut, il y a toujours, en définitive, un nouvel état produit. Car, s’il n’en était pas ainsi, que serait devenue