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delbœuf. — le sommeil et les rêves

mation qu’en faisant passer la chaleur d’un corps plus chaud à un corps plus froid, qu’en usant, par conséquent, d’une différence de température.

Si tous les points de l’univers étaient à la même température, si élevée qu’on la suppose, on ne pourrait tirer d’elle aucun mouvement. De l’uniformité ne peut naître que l’uniformité. Si donc on ne peut jamais utiliser qu’une différence de température, on ne peut convertir en mouvement qu’une partie de la chaleur des corps. Car, pour opérer la conversion de la totalité, on devrait pouvoir ramener ce corps au froid absolu, ou, comme on dit, au zéro absolu de température. Pour cela, il faudrait qu’il fût mis en contact avec un milieu qui serait lui-même au zéro absolu. Or, d’abord il n’existe pas, il n’a jamais existé, il ne peut exister de corps ou de milieu au zéro absolu. De plus, si même un être tout-puissant créait quelque part un milieu semblable, le reste de l’univers demeurant dans le même état, il ne se conserverait tel que pendant un instant ; à peine créé, il s’échaufferait et cesserait d’être absolument froid. Une comparaison peut rendre la chose tout à fait claire, bien qu’il n’y ait pas parallélisme rigoureux entre les deux objets comparés. Il est impossible aussi d’utiliser toute la force de chute contenue dans un corps pesant. Car plus on éloigne le point d’attraction, plus la chute est considérable. Il semblerait donc que, pour obtenir le maximum de force vive, on dût reculer le point d’attraction au delà de toute limite, c’est-à-dire à l’infini, — ce qui, par parenthèse, est un non-sens et revient à ne le placer nulle part — mais alors il n’y a plus d’attraction[1]. Revenons à notre sujet.

Un corps ne peut se refroidir que par son contact avec un corps ou un milieu plus froid que lui. Il s’ensuit que les corps les plus froids ne cessent de s’échauffer, et les corps les plus chauds de se refroidir. Les différences de température tendent donc à s’annuler ; l’univers marche sans relâche vers l’uniformité, vers l’équilibre de température, et la quantité de chaleur qui peut se transformer en mouvement diminue sans cesse.

Mais il y a plus. Tandis que la chaleur ne peut se convertir tout entière en mouvement, le mouvement peut, lui, se convertir tout entier en chaleur. Lorsque deux masses de plomb égales et se mouvant en sens contraires avec la même vitesse sur une même droite se rencontrent, l’arrêt de leur mouvement cause leur échauffement, et cela sans intermédiaire. Or le jeu de l’univers consiste dans des chocs continuels, dans des arrêts de mouvement suivis d’une pro-

  1. Il y a là un problème très curieux que je signale aux mathématiciens.