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delbœuf. — le sommeil et les rêves

niment réduites, si l’existence, partout homogène, est partout constituée par les combinaisons de cet élément si simple, il est permis d’espérer qu’on approche de l’époque où, ayant constaté sa présence universelle et sa persistance indestructible, on pourra chercher les raisons de l’une et de l’autre, examiner s’il y avait d’autres éléments possibles, et savoir non seulement qu’il est, mais encore pourquoi il est. »

Voilà qui est catégorique : tout changement engendre un changement capable de le reproduire sans addition ni perte ; l’existence est partout constituée par les combinaisons du mouvement dont la persistance est indestructible ; par conséquent, la nature aboutit sur tous les points de l’étendue et de la durée à l’éclosion incessante des individus et au flux inépuisable des événements[1] ».

Mais tout cela est-il vrai ? Le mouvement perpétuel serait-il en effet possible ? Évidemment il ne s’agit pas ici du rêve de quelques intelligences détraquées qui poursuivent la réalisation d’une machine capable non seulement d’entretenir son propre mouvement, mais d’exécuter en outre un certain travail. Cette extravagance n’a pas besoin d’être réfutée. Je parle du mouvement perpétuel pur et simple. Sans doute, quand on se place dans le domaine exclusif de l’abstraction et qu’on se maintient rigoureusement sur le terrain de l’un ou l’autre principe formel de la logique, on peut, avec quelque apparence de raison, avancer que la cause passe tout entière en ses effets, et, par suite, que ceux-ci ont la puissance virtuelle de reproduire la cause. En ont-ils la puissance effective ? Ceci est une autre question ; c’est même la seule question, et c’est ce que nous allons voir.

Il semble, avant toute réflexion ultérieure, que la mécanique théorique et rationnelle réalise sans contradiction le mouvement perpétuel, en transformant alternativement la cause en effet et l’effet en cause. Témoin le pendule. Un point mathématique pesant, et suspendu, par un fil rigide et inextensible dans un milieu non résistant, à un point fixe autour duquel il peut se balancer sans frottement, s’il est écarté de sa position d’équilibre, se mettra à osciller, et son mouvement de va-et-vient continuera pendant l’éternité. Il n’est pas difficile de se rendre un compte exact de ce qui se passe. En déplaçant le point pesant, on le soulève à une certaine hauteur, et on lui communique la faculté de descendre juste de toute cette hauteur et non au delà, attaché qu’il est par sa tige au point de suspension.

  1. M. Ribot, dans son article sur le Rôle psychologique des mouvements (oct. 1879, p. 384), me parait verser dans la même erreur, « Il est impossible, dit-il, que le mouvement ne se restitue pas au dehors sous quelque forme. » Il est vrai que cette phrase est susceptible de plusieurs interprétations.