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que les cinq derniers sont purement physiologiques, et que le premier seul, « l’expérience antérieure, soit personnelle, soit ancestrale, » embrasse les éléments psychologiques. Or si, en thèse générale, on peut dire de la physiologie qu’elle est encore dans l’enfance, cette assertion est surtout vraie quand il s’agit de la physiologie du sommeil. Il n’est pas difficile d’en deviner la raison, mais je ne veux pas m’écarter de ma route.

D’ailleurs, en dehors même de cette considération, moi, qui malheureusement n’ai que des notions bien insuffisantes de physiologie, je ne pourrais, si je me plaçais au point de vue de cette science, traiter la question avec autorité et originalité. Je l’envisagerai donc sous le côté psychologique, me bornant pour le reste à des considérations extrêmement générales.

Même dans ces limites, elle est tellement étendue et multiple, qu’il est nécessaire de la restreindre encore. On ne peut, en effet, entreprendre d’étudier à fond le rôle de « l’expérience ancestrale » Sur ce point, comme sur bien d’autres, on est réduit à énoncer des principes. C’est ce que je me contenterai de faire.

Reste « l’expérience personnelle ». Ici, nouvelle exigence. Cette expression est très élastique et comprend beaucoup de choses. Il est donc indispensable, avant de poser les questions, de préciser et de circonscrire l’objet de l’investigation. À cette fin, j’ai pensé que le mieux était de les rattacher à un rêve singulier que j’ai fait, il y aura bientôt vingt ans, et dont le hasard m’a révélé tout récemment quelques-uns des éléments les plus remarquables.


Pour l’intelligence d’une partie de ce rêve, je suis obligé, comme M. Maury, de mettre le public dans la confidence de mes goûts, de mes habitudes et de mes manies.

J’ai toujours beaucoup aimé les bêtes, même les plus infimes et les plus repoussantes. Ce goût date de mon enfance. Pendant longtemps, et jusque bien au delà de l’époque de mon rêve, j’ai eu une petite ménagerie composée de lézards, d’orvets, de couleuvres, de grenouilles, de crapauds, même de mollusques, qui étaient tous familiarisés , me connaissaient parfaitement bien , ne s’effrayaient nullement à mon approche et se laissaient manier sans défiance. Je compte publier un jour quelques-unes des observations que j’ai rassemblées à cette époque. On sera étonné d’apprendre que certains êtres, les limnées, par exemple, qui passent pour incapables de raisonnement, ne méritent pas cette réputation. J’ai possédé notamment deux grenouilles qui ont joui d’une certaine célébrité dans le cercle de mes amis. Je les transportais souvent chez eux,