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trouvait en France dans le même temps des interprètes victorieux en Descartes et en Gassendi. L’originalité de Sennert n’en est pas moins incontestable. Il est entré spontanément, et à sa suite la philosophie allemande, dans les voies de l’atomistique. Il convient de réviser, de compléter, au sujet de Sennert, le jugement d’Albert Lange, qui ne paraît pas, du reste, avoir connu les Hypomnemata. Zeller a raison de rappeler, à propos de Sennert, le mot de Leibniz sur la part que la philosophie corpusculaire a prise à la défaite de la doctrine péripatéticienne.

Spir : Les trois questions fondamentales de l’idéalisme ; 1er  article : preuve de l’idéalisme.

Pendant cinquante années, de Kant à Hegel, l’idéalisme semble avoir dominé la conscience philosophique de l’Allemagne : comment ne pas s’étonner que cette doctrine soit aujourd’hui presque universellement abandonnée, sinon décriée ? N’avait-elle pas pour elle l’autorité de Descartes, qui déclarait indémontrable la réalité des corps et ne croyait pouvoir l’affirmer qu’au nom de la véracité divine ? Berkeley n’avait-il pas repris et développé la même doctrine avec plus de conséquence ? — Spir ramène les arguments de l’idéalisme à la preuve expérimentale et à la preuve métaphysique : 1° Les corps que nous percevons en fait ne sont que nos propres sensations. 2° Nos sensations n’ont pas pour causes des choses extérieures inconnues de nous. Notre perception des corps n’est objectivement que la perception de l’ordre et de la régularité qui se manifestent dans nos impressions sensibles. L’ordre et la régularité de nos impressions ne résultent pas de l’action d’une multiplicité de choses extérieures, mais s’expliquent par un principe unique qui relie entre eux les sujets connaissant et leurs impressions. L’hypothèse de l’existence en soi d’une multitude de choses extérieures n’ajoute rien à l’explication des faits et renferme des contradictions.

Toennies : Remarques sur la philosophie de Hobbes ; 1er  article.

Hobbes se propose, avant tout, de combattre la puissance spirituelle de l’Église et de renverser la philosophie scolastique. Il se sert pour cela des armes que lui fournit la physique nouvelle. Il veut substituer la recherche de la quantité à celle de la qualité, l’explication mécanique à la théologie. Galilée est son véritable maître, et non Bacon, comme on le dit habituellement. On exagère le rôle de ce dernier dans la science moderne. « Bacon, comme ignorant des mathématiques, est tout à fait en dehors du mouvement philosophique du xviie siècle. » Gomment faire de lui le précurseur des recherches de Hobbes, Locke et Hume, sur la théorie de la connaissance, alors qu’il ne s’est jamais occupé de ce problème ? Hobbes, qui déclarait que « tout dans la nature va mécaniquement », doit cette conviction à la lecture et aussi aux entretiens de Galilée, qu’il avait visité en 1636. Il le reconnaît expressément en ces termes : « Celui qui, le premier, nous a ouvert l’accès de la physique générale, à savoir l’essence du