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collaborateurs qu’elle ne peut manquer d’y susciter dès que sa méthode et ses principes y seront mieux connus ?

Un de ceux qui ont le plus fait en Angleterre pour les progrès de l’esthétique évolutionniste est M. Grant Allen. Son Esthétique physiologique présente, à l’occasion d’une étude sur les sens de l’homme, une intéressante application du principe posé par Spencer et Darwin : que les attributs esthétiques ne sont acquis par les êtres vivants qu’en vue d’une utilité et offrent toujours quelque avantage à l’espèce où ils se développent dans la lutte pour l’existence. On a montré ici même[1] les mérites de ce brillant essai, en même temps qu’on y faisait remarquer certains défauts. Aujourd’hui, le même auteur donne au public une étude plus pénétrante peut-être et plus vaste, portant sur un point qui n’avait été qu’effleuré dans le premier ouvrage, — à savoir l’origine et le développement du sens de la couleur dans la série zoologique, — mais embrassant toutes les manifestations esthétiques qui s’y rattachent et les effets que l’acquisition de ce sens a produits par contre-coup sur des parties considérables de la nature animée. Toutes les sciences sont mises à contribution dans ce nouveau travail ; un nombre immense de faits y sont empruntés à la physique, à la botanique, à la zoologie ; mais il reste, comme celui qui l’a précédé, un travail philosophique ; tous ces matériaux sont employés à la solution d’un problème de psychologie comparée ; le point de vue de M. G. Allen reste général ; il cache son érudition scientifique plus qu’il n’en fait montre, ne réclamant d’autre spécialité que celle du généralisateur qui coordonne les résultats des sciences et détermine les rapports des différents êtres entre eux, de tous avec la conscience des animaux et des hommes. De fait, si les questions agitées dans ce volume ne relèvent pas de cette discipline générale qu’on appelle, faute d’un nom plus clair, la philosophie, il serait difficile de dire à quelle science elles appartiennent. Quand l’auteur demande comment les fleurs se sont formées, il semble qu’il entre sur le domaine du botaniste ; mais il ne peut répondre à cette question qu’en recourant aux sensations subjectives des insectes en quête de nourriture, et nous voici ramenés à la psychologie comparée. Dira-t-on que la psychologie comparée est encore une science particulière ? Mais les rapports de la conscience en général avec son milieu, les modifications qu’elle y introduit, la manière dont les êtres vivants pris dans leur ensemble se perfectionnent les uns les autres sous l’effet de la sélection, les harmonies des différentes parties de l’univers qui en résultent, voilà

  1. Voir la Revue du 1er janvier 1878.