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ANALYSES. — DESPINE. De la Folie.

donne les chiffres suivants : En 1868, en Angleterre, « le nombre des fous étant de 1 pour 411 habitants, la proportion de la folie chez les détenus de la prison de Perth était de 1 sur 140. » On peut voir, p. 645, que le docteur Lockart Robertson donne une proportion encore plus élevée.

M. le docteur Despine fait remarquer que chez les criminels l’absence de moralité n’est point le fait de l’intelligence, et c’est pour lui une nouvelle occasion d’affirmer la différence absolue qui existe entre les facultés intellectuelles et les facultés morales. Il y a des criminels très-intelligents, qui connaissent les lois, qui savent quels châtiments les attendent et qui ne sont point détournés de leurs crimes. Loin de servir de frein, « l’intelligence devient une puissance d’autant plus dangereuse qu’elle est plus développée ; car elle ne travaille qu’au profit du mal. »

Est-ce à dire que tous les criminels soient privés de sens moral et soient dans cet état psychique voisin de la folie, dont nous venons de parler ?

La théorie de l’auteur n’est pas exclusive : il y a des catégories parmi les criminels. Si la plupart des crimes énormes, monstrueux, ne peuvent être connus par des êtres possédant la raison morale, ceux-ci n’en sont pas moins faillibles. Chez l’individu le plus moral les mauvais penchants sont en germe ; et sous l’influence des passions, l’homme peut accomplir des actes que sa conscience réprouve. En pareil cas la responsabilité existe.

Nous avons vu que c’est dans le cerveau qu’il fallait chercher, le plus souvent, la cause de la folie pathologique ; nous avons vu que chez les criminels on devait admettre dans la plupart du cas une modalité anormale du cerveau. Mais ce sont les causes morales qui apportent le plus fort contingent à ce que M. Despine appelle la folie chez l’homme en santé.

L’une de ces causes, la contagion morale est particulièrement intéressante : « La manifestation d’un élément instinctif, sentiment ou passion, excite ce même élément instinctif, le met en activité, le fait vibrer chez toutes les personnes qui sont susceptibles de l’éprouver vivement. » Aussi, si un crime a du retentissement il est presque certain qu’il sera suivi par d’autres crimes accomplis dans des circonstances analogues. Cela est vrai pour les suicides, les assassinats, les vols, les duels. Et comme ce sont les journaux à scandales, à faits divers, qui servent à la diffusion de la connaissance de ces actes, on comprendra que M. Despine signale le danger de ces feuilles ; il voudrait, comme M. Bouchut, qu’il y eût dans la société une sorte de lazaret moral pour y enfouir, aussitôt qu’ils se montrent, les désordres moraux et nerveux dont la propriété contagieuse est établie.

À la contagion morale se rattachent certaines épidémies de folies, de visionnaires, de théomaniaques, de sorciers. On trouvera sous le même titre de folie épidémique une étude sur les idées qui avaient