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mêmes procédés, crée des espèces nouvelles ! La conclusion est inattendue. « Ainsi le passage de la sélection artificielle à la sélection naturelle est un passage imaginaire, une espèce de métaphore, un flatus vocis. »

Examinons maintenant la sélection naturelle en elle-même. Le rôle de la sélection est de choisir apparemment. Mais ce choix ne peut s’exercer à vide. Quand on choisit, les choses parmi lesquelles on choisit existent déjà et sans l’intervention du choix, ni de celui qui choisit. Donc la sélection n’est pas le principe générateur des choses. Vous dites, il est vrai, qu’elle ne suppose comme point de départ que le type originaire. Mais comment peut-on admettre que le principe, quel qu’il soit, qui a engendré le type originaire, soit incapable de le soumettre à la sélection, c’est-à-dire de déterminer, en les développant à partir de ce type, les espèces diverses ; et quel besoin a-t-il de la sélection qui ne dit ni d’où elle vient, ni ce qu’elle est pour les développer et les déterminer ? Et qui osera dire que la force ou le principe qui pose les fondements est différent de celui qui produit et dispose les autres parties, ou bien que le principe qui engendre ou constitue le germe de la plante est autre que celui qui engendre et régit les différentes phases de son développement ?

À ce moment, d’ailleurs, il ne reste rien à faire à la sélection. Le type originaire étant déterminé, son développement ultérieur est déterminé ; car la nature du germe nécessite celle de l’être qui en sort, en imprimant à toute son évolution une direction particulière.

De plus la sélection ne s’applique qu’à un fragment de la série des êtres. Quand commence son action ? avec l’être organisé, ou mieux après l’apparition du premier de ces êtres. Mais l’être organisé est intimement lié avec l’être inorganique qui entre dans sa constitution, qui prête à la vie ses matériaux. Si la sélection n’intervient que dans la sphère de l’organisation, où est l’unité de la nature ? « La nature ne se transforme pas seulement dans la sphère de l’organisation, mais dans toutes les sphères, en sorte que son être, sa réalité est une métamorphose, laquelle commençant avec l’espace et le temps, avec la matière indéterminée, s’élève ensuite à la sphère de la vie. » Il n’est pas possible que la nature soit ainsi scindée en deux parts quant à son origine. « La raison qui transforme la matière indéterminée en nébuleuse, et la nébuleuse en planète, ne peut être autre que celle qui transforme la planète en cristal, le cristal en être vivant, et l’animal élémentaire en animal plus parfait. »

Qu’est-ce que la sélection naturelle, en définitive ? Une sélection sans doute opérant suivant la nature des choses. Mais y a-t-il pour le Darwiniste une nature des choses, c’est-à-dire une raison nécessaire qui fait que chaque chose est ce qu’elle est et ne peut pas être autre qu’elle est ? Non ; car rien ne répugne dans la théorie à ce que l’ensemble des êtres vivants ait été tout différent de ce qu’il est. La sélection présuppose tout démontré et ne démontre rien. Elle prend les êtres tout