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intelligible que celle des Vedânta-sûtras et de les rattacher aussi solidement que possible aux documents philosophiques les plus autorisés de la çruti et de la smriti.

Considérées au point de vue du genre auxquelles elles appartiennent, ses œuvres peuvent se diviser en deux catégories principales : les traités spéciaux et les Bhâshyas ou commentaires. La plupart de ces traités sont en vers et fort courts ; ils sont aussi consacrés presque tous à l’exposition des doctrines védântiques. M. Hall en décrit au moins vingt, dont deux seulement, à ce qu’il semble, ont été publiés jusqu’à ce jour : ce sont la Vâkya-Sudâ (le Nectar des préceptes), exposé de la nature de l’âme suprême en 47 stances de deux vers dont Windischmann a donné le texte et la traduction dans son ouvrage intitulé Sancara, sous le titre erroné de Bâla-Bodhinî (l’Institutrice des enfants ou des inexpérimentés), et l’Atmabodha (l’Enseignement de l’âme suprême), résumé des principes védântiques en 67 stances dont le texte a été publié par M. Haeberlin dans son Anthologie sanscrite, et le texte et la traduction par M. Nève dans le Journal Asiatique, 6e série, tome VII[1].

Mais les travaux de Çankara les plus utiles pour nous et les mieux connus sont ses commentaires. Les principaux sont : 1o ceux des Brihad-Aranyaka, Chândogya, Taittirîya, Aitareya, Iça, Kena, Kâtha, Praçna, Mundaka et Mândûkya Upanishads ; 2o celui de la Bhagavad-Gîtâ et, 3o celui des Vedânta-sûtras. Ces commentaires ne sont pas exempts des défauts qu’on rencontre dans les œuvres des scoliastes de tous les pays et de toutes les époques, et surtout dans celles des exégètes de l’Inde brahmânique : les subtilités logiques et grammaticales y abondent et y dégénèrent la plupart du temps en logomachie pure, un esprit de système outré y fausse ou y violente très-souvent les interprétations, et l’abus des abstractions, du style pédantesque et scolastique, s’y trouve porté à un degré extraordinaire. Mais de précieuses qualités compensent ces défauts. Çankara possède merveilleusement son sujet et s’il exagère en général la portée des textes qu’il commente dans le sens de la doctrine Vedânta, telle qu’elle était fixée de son temps, il excelle à en montrer tous les rapports explicites ou sous-entendus et aucun détail ne lui échappe ; son savoir est aussi étendu que son esprit est délié : il possède à fond la çruti et la smriti, ces deux colonnes qui supportent toute la science brahmânique, et les citations des textes autorisés arrivent sous sa plume toutes les fois qu’il en a

  1. M. Nève a publié aussi en 1841 le texte et la traduction du Moha-Mugdara, le Maillet de la folie, exposé en vers de la doctrine Vedânta attribué à Çankara, bien que d’après M. Hall on ne soit pas fixé sur le nom de l’auteur.