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et de les rassembler par des moyens et dans un ordre qui supprime aussi complètement les répétitions et les formules purement littéraires n’a été poussé aussi loin. Comme aide-mémoire en usage auprès de maîtres qui en développaient oralement les préceptes, les Sûtras pouvaient être d’une grande utilité dans l’École, surtout à une époque antérieure à l’invention, ou plutôt à la pratique générale de l’écriture ; mais pour nous, et pour les Brahmânes modernes eux-mêmes, le laconisme extraordinaire qui les caractérise, les rend inintelligibles sans commentaires. Ce n’est pas, du reste, comme nous le verrons, les travaux exégétiques qui font défaut aux Vedânta-sûtras.

L’auteur supposé de cet ouvrage est Bâdarâyana, appelé aussi Vyâsa et, qu’en se basant sur une identification douteuse, Windischmann le fils fait vivre 2 à 300 ans avant Çankara, c’est-à-dire 4 à 500 ans après J.-C. Quoi qu’il en soit, les Vedânta-sûtras sont l’œuvre de toute une école, comme le prouve incontestablement, à notre avis, ce fait que Jaimini, l’auteur supposé des Mimâmsâ-sûtras, cite Bâdarâyana, tandis que Bâdarâyana, ou les Vedânta-sûtras, citent à leur tour Jaimini. Nous en concluons que les deux docteurs peuvent avoir donné une première esquisse des ouvrages qui portent leur nom, mais que ces ouvrages ont été complétés et modifiés par leurs disciples. Toujours est-il que Çankara, le principal commentateur des Vedânta-sûtras, en a trouvé le texte définitivement fixé. Il l’était même sans doute depuis assez longtemps ; et comme, d’un autre côté, le style éminemment scolastique de ces Sûtras et les allusions qu’on y rencontre à la Bhagavad-Gîtâ et à des Upanishads relativement récentes, ne permettent guère d’en reculer la date au-delà du ve siècle de notre ère, nous penchons volontiers à les considérer comme remontant sous leur dernière rédaction à l’époque assignée par Windischmann à Bâdarâyana, soit au ve ou au vie siècle après J.-C.

Les Vedânta-sûtras se composent de 555 préceptes ou aphorismes divisés en quatre adhyâyas (lectures). Le nombre de commentaires et de commentaires des commentaires auxquels ils ont donné lieu est très-considérable ; on peut trouver le titre et la description d’au moins une cinquantaine d’entre eux dans l’Index des ouvrages sanscrits relatifs aux systèmes philosophiques de M. Hall.

Le plus célèbre de ces ouvrages est le Bhâshya (Commentaire) de Çankara. Il a été publié avec l’édition, unique jusqu’à ce jour, des Vedânta-sûtra qui fait partie de la collection de la Bibliotheca indica. Cette édition a été commencée à Calcutta vers 1855, par le Dr Röer ; suspendue pendant quelque temps, elle fut reprise en 1861 par le