Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/603

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
595
g. h. lewes. — spiritualisme et matérialisme.

une certaine quantité de carbonate de soude pour faciliter la digestion.

L’organiciste applaudit à tous les efforts que l’on fait pour découvrir l’action des processus physiques et chimiques dans le processus physiologique complexe ; il proteste seulement contre cette hypothèse qu’un processus physiologique peut être interprété sans que l’on tienne compte de toutes les conditions organiques. Employant le langage de Bichat, il déclare qu’appeler la Physiologie « une Physique animale » n’est pas plus rationnel que d’appeler l’Astronomie la « Physiologie des étoiles[1]. » Pour les mêmes raisons nous devons protester contre l’interprétation des phénomènes mentaux par des mouvements du cerveau, quelle que soit l’importance de ces mouvements comme facteurs dans le groupe complexe des conditions biologiques et sociologiques. Bien que les impulsions personnelles et égoïstes soient des agents indispensables de la vie morale, la tentative de réduire la vie morale à ces seules impulsions, sans la coopération d’impulsions désintéressées et impersonnelles, et sans l’influence puissante des conditions sociales, c’est là le matérialisme contre lequel proteste l’organicisme. En un mot, l’organicisme se distingue en ce qu’il poursuit logiquement l’hypothèse que les phénomènes organiques groupés sous les termes de Vie et d’Esprit, sont les activités, non pas d’un seul élément, dans ou hors de l’organisme, mais les activités de l’organisme tout entier en correspondance avec un milieu physique et un milieu social. De même que c’est l’organisme qui vit, de même c’est l’organisme qui se meut et qui sent.

Je ne connais aucun écrivain antérieur qui ait rigoureusement poussé aussi loin les principes de l’organicisme ; et cela parce que les opinions traditionnelles sur l’Esprit, et la prédominance des tendances analytiques, tenaient l’attention exclusivement fixée sur le cerveau, et localisaient l’abstraction Esprit dans le Cerveau. Mais si les partisans de l’Organicisme n’ont pas étendu à l’esprit les principes qu’ils adoptaient en ce qui concerne la vie, le courant des recherches psychologiques modernes tend, je pense, vers cette direction.

Personne n’interprétera mal ma pensée, et ne supposera que je veuille jeter un discrédit sur l’analyse physiologique et sur la loca-

  1. Bichat, Recherches sur la Vie et la Mort, art. VII, § 1er . Il dit aussi avec raison : « On analyse l’urine, la salive, la bile, etc., prises indifféremment sur tel ou tel sujet ; et de leur examen résulte la chimie animale : soit ; mais ce n’est pas là la chimie physiologique ; c’est, si je puis parler ainsi, l’Anatomie cadavérique des fluides. »