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de tous les phénomènes sensitifs, et il ne peut être interprété que par les conditions organiques de ces phénomènes. De même la vie n’est pas une propriété, c’est l’ensemble des propriétés et des fonctions organiques.

L’erreur sur laquelle j’insiste ici, est, en physiologie, l’analogue de Terreur psychologique d’après laquelle on essaye d’interpréter tous les phénomènes psychiques par des transformations de sensations, c’est l’équivalent de l’erreur d’après laquelle on interprète tous les phénomènes psychiques comme des manifestations de la pensée, comme des activités de l’esprit. Les sensualistes tombent également dans Terreur d’une interprétation analytique. À moins que le sensualiste n’implique dans le mot sensation beaucoup plus que la réaction d’un organe sensoriel, il ne peut faire un pas ; et s’il reconnaît, comme il le doit, l’intervention de conditions psychiques dont dépendent le jugement, la comparaison, l’attention, l’abstraction, et par lesquelles sont produites les prétendues « transformations », il est conduit à admettre d’autres conditions organiques que celles de la sensation. De même le spiritualiste ne peut déduire de la pensée pure, les images et les perceptions sans la coopération des sens : c’est-à-dire que son esprit a besoin d’un organisme corporel pour rendre possibles ces manifestations que l’on prétend être le produit de la pensée.

L’analyse et la synthèse sont la systole et la diastole de la science : elles sont également indispensables. Dans l’analyse des faits organiques on voit qu’il y en a qui sont constants, fondamentaux, tandis que d’autres sont variables et dérivés. Nous essayons de les classer ; de séparer les phénomènes dérivés de ceux qui les produisent, les modifications des conditions constantes. Le physiologiste montre ainsi qu’il y a des différenciations de structure qui permettent aux diverses espèces de sécrétions d’être accomplies par des organes foncièrement semblables, à toutes les espèces de mouvements d’être exécutés par des organes musculaires, à toutes les sensations d’être produites par les organes nerveux. Mais il remarque aussi que si ces différentes classes peuvent être analytiquement considérées comme distinctes, de sorte qu’une fonction ne peut être accomplie par l’organe d’une autre, elles sont toutes unies, néanmoins, dans la synthèse vitale de l’organisme par leur communauté de structure, par leur communauté de propriétés vitales. C’est ce procédé que doit imiter le psychologue.

Von Baer dit avec raison que le vulgaire est généralement porté à ne reconnaître pour causes que des objets palpables, et qu’il serait content s’il pouvait se convaincre que la Vie est une chose qu’il peut