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nes, que n’en a un principe vital en dehors des phénomènes vitaux.

Bien que l’hypothèse spiritualiste ait ainsi perdu pour moi toute valeur, je gagnai au moins la conviction que sa persistance en présence des progrès de la science, et que l’accueil qui lui était fait par des esprits d’une grande puissance, n’étaient pas sans justification, et pouvaient être considérés comme une protestation contre les hypothèses mécaniques et comme la preuve du besoin d’une explication synthétique. Je sentis, comme je ne l’avais jamais sentie jusque-là, sa valeur en tant que réaction contre des essais trop confiants et trop prématurés de ramener les phénomènes vitaux et mentaux aux phénomènes physiques et chimiques, sans avoir égard à la spécialité des conditions qui caractérisent les phénomènes organiques. Désormais je pus sympathiser avec le spiritualiste dans sa croyance que la vie et l’esprit sont d’un ordre différent de tout ce que l’on voit sous les cieux, ou dans un laboratoire, — d’un ordre que l’on voit seulement dans la série organique. Mais cela me rendit plus désireux de déterminer où commençait la différence — de déterminer la spécialité des conditions qu’implique la série organique. Et je ne pus suivre le spiritualiste, quand il chercha une cause en dehors de l’organisme, et quand il proposa une hypothèse dont les termes mêmes excluaient toute vérification possible. On n’éclairait pas les phénomènes observés en les rebaptisant sous les noms de principe vital, d’âme et d’esprit. Les spiritualistes les plus sérieux ne prétendaient pas non plus connaître la nature réelle de cet agent transcendantal : ils se bornaient à affirmer que ce n’est pas la matière. Et tandis qu’ils étaient satisfaits de considérer cet agent comme la cause inconnue d’effets connus (ce qui est en rapport avec l’idée fausse, bien que généralement acceptée, de la notion de causalité) — la plupart d’entre eux voulaient manifester la même ignorance en ce qui concerne la matière. C’est ainsi que des penseurs aussi divers que Voltaire, Condillac, Hume, Kant, Reid et Hamilton, en même temps qu’ils se déclaraient ignorants de l’esprit et de la matière, affirmaient avec confiance que l’esprit ne pourrait avoir aucune communauté avec la matière. Évidemment, il y avait quelque ambiguïté cachée sous les termes que l’on employait.

L’ambiguïté paraît clairement si l’on descend aux cas particuliers. Ceux qui discutent ont, en général, une tendance à caricaturer les opinions qui leur sont opposées, et ils paraissent de la sorte obtenir un triomphe facile sur un adversaire que l’on montre sous un jour absurde. C’est ainsi que le spiritualiste représente son adversaire comme un homme qui prétend que la vie et l’esprit sont « des ma-