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SPIRITUALISME ET MATÉRIALISME


Bien que la controverse qui existe entre les deux conceptions du monde, connues sous le nom de spiritualisme et de matérialisme, soit encore vive et promette de l’être pendant plusieurs années, les conceptions elles-mêmes sont incessamment modifiées, et approchent de plus en plus d’un commun accord, d’autant que chaque parti reconnaît ce qu’il y a de fort dans les positions de son adversaire. Si le spiritualiste a été forcé par les progrès de la physiologie d’assigner une part de plus en plus grande au fonctionnement des conditions matérielles, dans la production des phénomènes mentaux, le matérialiste a été forcé par les mêmes progrès de cette science, de reconnaître l’existence de conditions complétement différentes de celles qui sont classées comme matérielles. Mais il y a encore, d’un côté, une répugnance invincible pour tout ce qui porte le nom de Matière, et de l’autre un mépris pour tout ce qui prétend au caractère d’Esprit. Il y a encore la séparation radicale entre les conceptions de la Création et de l’Évolution dans l’explication du Cosmos ; et entre les conceptions de la Métaphysiologie et de la physiologie dans l’explication de la Vie et de l’Esprit. En dehors de ces deux écoles rivales, il y en a une troisième, peu nombreuse, il est vrai, mais importante, qui rejette les théories des deux autres, ou plutôt qui en extrait ce qui lui semble bon, et par une nouvelle interprétation réconcilie leurs différences.

Je ne me propose point de discuter ici la question cosmique : je noterai seulement, en passant, que cette question a été complétement révolutionnée par la philosophie moderne qui a montré que la plus profonde des distinctions, — celle de l’Objet et du Sujet, ou de la Matière et de l’Esprit — n’exige pas une opposition correspondante dans les substrata, mais simplement la distinction logique des aspects : de sorte qu’un seul et même groupe de phénomènes peut objectivement s’exprimer en termes de Matière ou de Mouvement, et subjectivement en termes d’États de conscience. La Matière cesse d’être une étrangère, elle cesse d’avoir ce caractère non spirituel