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e. de hartmann. — schopenhauer et frauenstaedt.

il la décrit comme l’intuition, dans laquelle l’antithèse de sujet et d’objet a de nouveau disparu, ou plutôt n’a pas encore paru, c’est-à-dire il soutient que l’idée est l’identité absolue, ou l’indifférence de sujet et d’objet, et on comprend à priori que dans une telle représentation il ne peut pas être question de la conscience qui repose justement sur l’antithèse de sujet et d’objet.

C’est donc dans l’idée que le système de Schopenhauer possède en réalité, quoique d’une façon inconsciente, cette représentation absolument inconsciente que Frauenstaedt m’a reproché d’y avoir ajoutée arbitrairement, en comptant cette addition comme ma seconde faute principale. S’il était vrai, comme Frauenstaedt le prétend, qu’une représentation absolument inconsciente est une contradictio in adjecto, illogique, nullement pensable, absurde, il serait obligé d’adresser ce reproche aussi bien à l’idéalisme objectif de son maître qu’à moi-même, car j’ai seulement nommé par leur vrai nom des concepts déjà combinés de la même manière par Schopenhauer ; bien plus, il serait obligé de le diriger contre lui-même puisqu’on fait il maintient la même combinaison de concepts, et trouve seulement à redire à ma désignation nominale[1].

Frauenstaedt ne peut pas échapper aux conséquences que je viens de tirer ici, aussi longtemps qu’il ne se résoudra pas à éliminer de « sa tranformation » du système l’idéalisme objectif de Schopenhauer, aussi bien que l’idéalisme subjectif, le matérialisme, le pessimisme, le quiétisme, l’ascétisme et la théorie de la liberté. De même que pour sa position à l’égard de la téléologie il a seulement le choix entre le Darwinisme antitéléologique et la philosophie de l’inconscient, ainsi, pour sa position à l’égard de l’idéalisme subjectif, il a seulement le choix entre le point de vue de Bahnsen et le mien. Ou bien il faut qu’il reconnaisse avec moi l’idée objective comme étant le contenu représentatif inconscient de l’acte de volonté concret du Tout Un, ou bien il est obligé de limiter avec Bahnsen la valeur de l’idée à la sphère subjective de l’intuition esthétique, de lui dénier toute valeur métaphysique et de soutenir que nulle part il n’est permis d’attribuer la désignation « idée » à la vraie substance de la volonté (qui doit correspondre à l’idée esthétique en tant que son essence intime est placée en dehors du temps et de l’espace). Je ne pourrai pas même accorder qu’en franchissant ce dernier pas il eût atteint une position tenable (en elle-même) dût-il même tirer de l’élimination de l’idéalisme subjectif la conséquence inévitable qu’il faut renoncer à la téléologie dans le sens réaliste aussi bien que dans le sens subjectif idéaliste ; car aussi longtemps que la volonté

  1. Comp. Recueil de traites philosophiques. P. 63, 65.