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e. de hartmann. — schopenhauer et frauenstaedt.

seulement la sensibilité confuse ou perception. Par conséquent, la représentation inconsciente est doublement préexistante à la perception confuse, et celle-ci ne peut pas être identifiée avec celle-là, parce qu’elle en est séparée par la formation intermédiaire des organes, et, d’un autre côté, elle ne peut pas être regardée comme la cause de la naissance des organes, puisqu’elle en est l’effet. Une intelligence très-développée, douée d’une conscience claire et vive, peut seule dans le domaine de ses expériences tirer des perceptions présentes certaines conclusions anticipant l’avenir ; une intelligence n’ayant que des sensations confuses et une conscience obscure, peu développée, n’en sera guère capable. La première découvre l’avenir à l’aide de sa réflexion discursive ; dans la seconde, cette réflexion sera rarement assez développée, pour qu’elle puisse, avec son aide, découvrir quelque chose de l’avenir. Mais dût-elle même posséder cette faculté, celle-ci ne pourrait pas produire cette anticipation de l’avenir, qui seule peut être attribuée à la sagesse inconsciente de la volonté de la nature, c’est-à-dire une anticipation irréfléchie, intuitive, divinatoire.

De toutes ces raisons il faut conclure que Frauenstaedt a échoué dans sa tentative de chercher l’intelligence téléologique de la volonté de la nature dans la conscience généralisée. Il a confondu la perception confuse et la représentation inconsciente, et cependant la connaissance de la philosophie de l’inconscient aurait dû le préserver de cette confusion. Il lui reste seulement deux partis à prendre ; ou bien il est obligé de rejeter tout principe téléologique et d’embrasser le point de vue du Darwinisme qu’il combat par de bonnes raisons (dans sa 29e lettre) dans la personne du critique anonyme de la philosophie de l’inconscient ; ou bien il faut qu’il développe les indications de Schopenhauer relativement à une sagesse inconsciente de la volonté de la nature, c’est-à-dire qu’il reconnaisse dans la volonté une intelligence irréfléchie, intuitive, affranchie des bornes de toute conscience cérébrale (c’est-à-dire inconsciente) et élevée au-dessus d’elle (supra-consciente), c’est-à-dire qu’il embrasse le point de vue de la philosophie de l’inconscient. Cette décision lui est imposée par la position qu’il a prise dans ses Nouvelles lettres à l’égard de la force vitale et de la théorie des idées de Schopenhauer :

« La cause finale est une cause qui agit d’après des lois, et une force, tout aussi bien que les prétendues causes efficientes. La première est seulement une cause se mouvant dans une sphère plus élevée, dominante, ayant à son service les causes mécaniques et chimiques. » « Dans l’opposition existant entre la force organisatrice et la matière susceptible d’être organisée, il y a, par conséquent, uni-