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analyses.nolen. Critique de Kant

l’art de penser et dans l’art d’écrire, qui ne dédaignait ni d’orner la vérité, ni d’égayer le raisonnement, qui enfin mettait au service de ses croyances, non pas seulement une sèche nomenclature de faits, mais les forces réunies de sa raison et de son cœur. M. Caro appartient à cette dernière école. Nous ne songeons nullement à exalter ou à sacrifier l’une de ces méthodes aux dépens ou au profit de l’autre : nous croyons qu’elles ont toutes deux droit à l’existence. Peut-être les lois de la concurrence vitale assureront-elles un jour à l’une ou à l’autre la victoire définitive. Mais ce jour n’est pas encore venu, s’il doit jamais venir ; et en attendant, l’école Française, avec des interprètes éloquents tels que M. Caro, tient dignement sa place au milieu des controverses contemporaines.

G. Compayré.

II

HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

D. Nolen. — la critique de kant et la métaphysique de Leibniz ; histoire et théorie de leurs rapports. Paris, Germer Baillière, 1875. — L’influence de Kant sur la philosophie contemporaine a été et est encore si grande, qu’il paraît impossible même de l’exagérer. Mais, l’importance d’une révolution philosophique ne doit jamais faire méconnaître son vrai caractère, et c’est justement le vrai caractère de la réforme critique que M. Nolen s’est proposé de déterminer dans l’ouvrage que nous analysons ici.

En France, au xviie siècle, Descartes a fondé une philosophie nouvelle. Cette philosophie n’emprunte rien à celle qui l’a précédée ; Descartes a fait plus que ruiner la philosophie scolastique, il l’a fait oublier. On ne trouve aucune trace de cette philosophie détruite non-seulement dans Descartes, mais presque dans aucun des philosophes, même ennemis de Descartes, qui l’ont suivi. Rien de pareil ne s’est vu, rien de pareil n’est peut-être possible en Allemagne. Leibniz diffère profondément des scolastiques, mais il les connaît, et il admet, sans hésiter, dans sa doctrine, ce qu’il trouve de vrai dans la leur. Kant substitue à la philosophie de Leibniz une philosophie vraiment nouvelle et toute originale ; mais, si cette philosophie diffère de la philosophie leibnizienne, elle n’est pas inconciliable avec elle. Ce que nous affirmons ici, le livre de M. Nolen a pour objet de le démontrer.

Le sujet, du reste, n’était pas absolument nouveau. Dans l’article Leibniz de la Biographie universelle (819), Maine de Biran l’avait indiqué et Kant lui-même en avait marqué les traits essentiels dans un petit écrit de 1790 intitulé : Sur une découverte suivant laquelle toute nouvelle critique de la raison pure doit être rendue superflue par une