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Jules lachelier.théorie du syllogisme

sorte de contradiction, que les syllogismes de la première figure sont les seuls qui concluent par eux-mêmes, et en vertu de leur propre forme. On se croit donc obligé de démontrer ceux des autres figures, par leur transformation en syllogismes de la première ; et, pour cela, on substitue, à une ou plusieurs des propositions qui les composent, celles qui sont censées en découler immédiatement. La subalternation ne joue, du reste, aucun rôle dans ce travail ; et la plupart des logiciens, à l’exemple d’Aristote, emploient exclusivement la conversion, qui porte, en général, dans la seconde figure, sur la majeure, dans la troisième, sur la mineure, et, dans la quatrième, sur la conclusion. Il y a cependant des modes pour lesquels en a eu aussi recours à la contraposition : ainsi quelques auteurs contraposent l’universelle affirmative qui sert de majeure, dans la seconde figure, aux modes Camestres et Baroco ; W. Hamilton contrapose même les particulières négatives qui servent, dans la troisième figure, au mode Bocardo, de majeure et de conclusion.

Quelque générale que soit l’opinion qui subordonne la théorie du syllogisme à celle des conséquences immédiates, je la crois doublement erronée : je crois que chacune des figures du syllogisme, de celles du moins qu’Aristote a admises, repose sur un principe évident par lui-même, et que les conséquences que l’on appelle à tort immédiates, et dont on se sert pour démontrer les figures, sont elles-mêmes des syllogismes de trois figures différentes[1]. J’essaierai d’établir successivement ces deux points, en commençant par le dernier.

Les conséquences que l’on peut tirer d’une proposition dépendent évidemment de la valeur de cette proposition elle-même : nous avons donc besoin avant tout de savoir quelle est au juste la valeur de chaque espèce de proposition. Or les propositions universelles, tant affirmatives que négatives, ont une valeur double, car elles sont à la fois l’expression d’une loi, et celle d’un fait. Dire que tout A est B, ou que nul A n’est B, c’est dire que la notion A, considérée en elle-

  1. Ramus a dit que les conversions étaient des syllogismes : il donne, en effet, à la conversion de l’universelle affirmative, la forme d’un syllogisme en Darapti et à la conversion de l’universelle négative, celle d’un syllogisme en Cesare : il prétend même, je ne sais pourquoi, que ces syllogismes sont moins clairs et plus faibles que les syllogismes ordinaires (Animadversiones Aristolelicœ, lib. XVII ; Ed 1548, p. 373, sqq). Leibniz a fait voir, à son tour, que les trois sortes de conversion admises par les logiciens pouvaient se démontrer à l’aide de propositions identiques, celle de l’universelle négative, en Cesare, celle de la particulière affirmative, en Datisi, et celle de l’universelle affirmative en Darapti. (Nouveaux Essais, liv. IV, ch. ii, § 1). Il a remarqué aussi que la subalternation de l’universelle affirmative et celle de l’universelle négative pouvaient prendre la forme des deux derniers modes de la première figure. (Ib., ch. xvii, § 4.)