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liard.notions d’espèce et de genre

d’une forme à l’autre, de l’embranchement à la classe, de la classe à l’ordre, et ainsi de suite. Aussi ne pouvons-nous fixer avec sûreté le point précis où l’une de ces formes commence, ni celui où elle finit, nous n’en discernons pas les premiers linéaments, et quand nous la voyons poindre, il y a longtemps déjà qu’elle est ébauchée.

On se méprendrait aussi sur le caractère de l’évolution embryogénique, si l’on croyait que les différentes formes qu’elle traverse se déposent l’une sur l’autre comme par stratification. Non-seulement le passage de l’une à l’autre est inappréciable, mais les couches ultérieures modifient la structure des premières assises. La loi de l’embranchement, avons-nous dit, n’a pas terminé son œuvre quand apparaît la loi de la classe, aussi la continue-t-elle en se pliant aux conditions que lui crée la nouvelle venue. Chez les vertébrés, par exemple, le canal médullaire, d’abord uniforme chez tous, se développe ensuite de façons différentes. Les difficultés que nous avons signalées chez l’adulte, apparaissent donc chez l’embryon dès le second stade de l’évolution, et elles s’accroissent à mesure que l’être se spécifie davantage. Les fils de la trame organique sont trop enchevêtrés les uns dans les autres pour que nous puissions espérer que l’observation, si patiente et si attentive qu’on la suppose, parvienne à les démêler complétement un jour. Soit que nous considérions l’individu pleinement achevé, soit que nous le considérions en voie de formation, nous ne pouvons assigner avec rigueur ce qui en lui revient à chacune des lois qui contribuent à lui donner et à lui conserver sa forme définitive.

Mais admettons que par impossible ce discernement soit fait, serons-nous en possession de toutes les données nécessaires pour établir les formules rigoureuses des lois dont nous aurions distingué les produits, et ne devrions-nous pas même alors nous contenter de les décrire imparfaitement, ou de les désigner par quelques-uns de leurs traits les plus saillants ?

Admettons donc qu’il n’y ait dans les êtres aucun facteur réfractaire à la réduction mécanique, serons-nous capables d’établir les formules mathématiques des lois morphologiques ? Pour y réussir, il faudrait d’abord que l’équivalence mécanique de tous les phénomènes physiques fût déterminée ; il faudrait qu’on eût trouvé la loi mathématique de la gravitation des infiniment petits, molécules, atomes, atomes d’éther. Et même alors, serait-il possible de faire tenir dans un système de formules, le nombre indéfini des actions et des réactions moléculaires qui s’accomplissent dans l’être organisé ? Cet être n’est à l’origine qu’une cellule ; si simple qu’on la suppose, elle est composée de parties hétérogènes ; ces parties sont