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générale apparue la première ne cède pas la place à la loi moins générale qui survient ; mais elles travaillent de concert à l’œuvre commune. Aussi, dans la forme définitive et durable de l’adulte, est-il possible de démêler ce qui revient à chacune des lois qui ont contribué à le faire ce qu’il est.


III


Recherchons maintenant dans quelles limites nous pouvons connaître ces lois et les réduire en système. Dans tout ordre d’investigation, il faut d’abord distinguer nettement l’objet dont on cherche la loi. C’est chose facile quand il s’agit de la nature inorganique. Nous ne confondons pas nos diverses sensations, et nous établissons hors de nous autant de classes distinctes de phénomènes, que nous distinguons en nous d’espèces de sensations. Dans chacune de ces classes, nous faisons des subdivisions qui reposent, elles aussi, sur les différences de nos sensations. Chaque phénomène physique a une qualité spéciale qui l’empêche d’être confondu avec les autres.

Nous avons admis que l’individu était le produit d’une société coopérative de lois générales. Pour connaître chacune d’elles, il faut d’abord en déterminer exactement la contribution au résultat commun. Ce discernement peut-il être rigoureux ? — Il pourrait l’être, si les produits qu’il s’agit d’isoler étaient contenus les uns dans les autres comme des sphères concentriques. Mais cette image est loin d’être un symbole de la réalité. Les divers types réalisés à la fois par les individus, loin d’être emboîtés géométriquement les uns dans les autres, sont en quelque sorte fondus ensemble ; chaque partie de l’être porte l’empreinte de chacun d’eux. Pour nous en tenir aux représentants les plus élevés de la nature vivante, et sans parler ici des organismes rudimentaires dont la simplicité complique le problème, loin de le simplifier, il n’est pas dans un vertébré un organe qui ne puisse servir à dénoter l’ordre, la classe et même l’embranchement.

Les naturalistes de l’école anatomique ont cru lever la difficulté en cherchant la caractéristique de chaque catégorie dans un appareil ou dans un organe distinct. Ainsi, pour Cuvier, les embranchements sont déterminés par la disposition du système nerveux ; les classes, par celle des systèmes de circulation et de respiration ; les ordres par la structure des organes digestifs et des organes de préhension ; les familles, quand il y a lieu d’en établir, par des modifications de ces derniers organes, et ainsi du reste. Mais n’est-ce pas là un artifice qui démontre, sans y porter remède, notre impuissance à connaître